Umberto Barberis : "A Monaco, la magie a rapidement opéré"
Quand il débarque à l’AS Monaco en 1980, Umberto Barberis vient d’être élu deux fois de suite meilleur joueur du championnat suisse, lui le leader du Servette FC. En Principauté, il va, durant trois saisons, confirmer les espoirs placés en lui par le Président Jean-Louis Campora. Un peu plus de cent matchs, 37 buts dont celui du titre de 1982, en plus de deux trophées de meilleur joueur étranger du championnat de France : le Suisse imprime sa marque, et l’AS Monaco s’impose parmi les clubs qui comptent.
Récemment, à l’occasion du derby face à l’OGC Nice, Umberto Barberis a été reçu au Stade Louis-II. Présent avec sa famille, l’ancien milieu de terrain monégasque avait même eu la surprise de croiser Claude Puel et Jean Petit, deux de ses anciens coéquipiers. L’occasion pour ce septuagénaire, drôle et affable, de revenir sur ses souvenirs monégasques.
Presque quarante ans après le titre de 1982, qu’est-ce que représente le fait de revenir en Principauté ?
Beaucoup d’émotion et de souvenirs ! Si je devais décrire en un mot mon passage à Monaco, je dirais « bonheur », beaucoup de bonheur. « Bonheur » car la vie était simple et les gens très accueillants. Je me revois encore parcourir les allées du marché de la Condamine et discuter avec les commerçants. Ils me disaient, « Salut Bertine (son surnom), je t’ai vu en photo dans Nice-Matin ! ». J’habitais dans le même immeuble que Björn Borg et Guillermo Vilas. Vous vous rendez compte ? Deux légendes du tennis et du sport comme voisins. Quand j’y repense, c’était quand même incroyable. Borg, qui est suédois, était d’ailleurs très ami avec Ralf Edström, de qui j’étais également proche car on était les deux seuls étrangers de l’équipe. On le surnommait « la girafe » car il était très grand. Pour son anniversaire, on lui avait offert… une vraie girafe ! On était allé la chercher à Nice et on l’avait ramené à Monaco grâce à un chauffeur de taxi qui avait une voiture à toit-ouvrant. Et on a fait la surprise à Ralf le soir-même dans une pizzeria qui s’appelait « Chez Arturo ». On a quand même bien rigolé !
Umberto Barberis, ici entouré, avec l’ensemble de l’équipe de l’AS Monaco lors de la saison 1982-1983
Comment s’est déroulée votre arrivée ?
J’ai atterri à Nice et le Président Campora m’a fait survoler en hélicoptère la région avant d’arriver à Monaco. J’ai vu la Principauté d’en-haut. Il m’a dit : « Où voulez-vous habiter ? ». Je lui ai répondu « Ici! », en pointant la zone en bord de mer. J’ai volontairement donné un endroit qui me semblait impossible (rires) ! Et finalement, je suis resté trois ans dans un appartement proche du Larvotto. Un endroit formidable, où ma famille se sentait très bien. Et, pour ne rien gâcher, sportivement, on avait une superbe équipe.
Justement, parlez-nous de cette génération, championne de France en 1982.
Il y avait une ribambelle de jeunes joueurs en devenir. Les Puel, Bijotat, Bellone, Amoros… Pas mal de talent au mètre carré ! Avec les anciens, comme Courbis et Ettori, on était les meneurs d’une bande de copains. La magie a rapidement opéré. Le Club avait la volonté de grandir, de faire jouer des joueurs relativement jeunes et de se placer parmi les meilleures formation de première division. Les ambitions de la direction et celles des joueurs étaient les mêmes. La mayonnaise a pris.
Quels sont vos souvenirs de cette époque ?
Nous jouions dans l’ancien Louis-II, face à la mer. Certains ballons y ont d’ailleurs fini leur course (rires) ! Il y avait le zoo, et Bouba l’éléphant, dont on disait qu’il célébrait nos buts. C’était la douceur de vivre à la monégasque. Sur le terrain, par contre, on était des compétiteurs hors-pair. Et il le fallait pour battre l’AS Saint-Etienne de Michel Platini ou l’Olympique Lyonnais de Jean Tigana. A l’époque, le championnat de France était ce qui se faisait de mieux, et cela s’est d’ailleurs vérifié avec les résultats de l’équipe de France durant cette période.
Lors de la dernière journée, contre Strasbourg, l’AS Monaco est à la lutte avec l’ASSE pour le titre de champion. Les Verts mènent face à Metz et sont sur le point de vous passer devant. Et vous marquez le but décisif…
On aurait pu penser que Strasbourg était venu profiter de la mer et du beau temps, mais ce fut tout le contraire. On a longtemps buté sur Dominique Dropsy, le gardien strasbourgeois. Et puis, sur un corner à la rémoise, on est arrivé à les surprendre. 1-0, et c’était dans la poche ! Les Stéphanois étaient énervés qu’on ne craque pas. Un jour, j’ai croisé Michel Platini en Suisse et il m’a dit : « Tu m’as volé un titre ! » (rires).
Comment aviez-vous fêté ce titre ?
Le Club nous avait mis à disposition des voitures avec des drapeaux monégasques. On avait sillonné la ville. J’ai le souvenir d’une fête populaire, où tous les habitants étaient concernés. C’est ce qui fait la force de l’AS Monaco : représenter une équipe mais aussi tout un pays. On a mangé ensemble dans un restaurant et le Prince Rainier III m’a fait le plus grand honneur de ma vie : m’inviter, en compagnie de mon épouse, à sa table. Et ensuite, on a quand même bien fait la fête (rires) ! Je me souviens même que le lendemain, Gérard Banide nous avait programmé un entraînement à dix heures. Même après un titre, il ne dérogeait pas à ses principes. Je peux vous avouer que je n’ai pas fait la meilleure séance de ma carrière (rires) ! Je pouvais à peine lever les bras. Au bout de dix minutes, il m’a dit : « Bertine, vestiaire ! »
Au sein de l’AS Monaco actuel, quels joueurs vous impressionnent le plus ?
Il y en a deux : Wissam Ben Yedder et, bien sûr, Aurélien Tchouameni. J’ai même regardé les derniers matchs de l’équipe de France pour le voir. Chez les grands joueurs, il y a des détails qui ne trompent pas, dans l’attitude, la gestuelle. Et lui, il en est rempli. Il va avoir une très belle carrière.