Son arrivée, le titre de 1978, Arsène Wenger... Les souvenirs de Jean Petit
Il a passé quasiment toute sa vie à Monaco. Arrivé à l’âge de 20 ans en Principauté, Jean Petit n’est depuis jamais reparti et continue de venir régulièrement aux matchs de l’AS Monaco. Vainqueur de deux titres de champion de France puis entraîneur adjoint pendant plus de 25 ans, il y aura donc fait toute sa carrière. Retour sur l’entretien que l’ancien milieu de terrain aux 426 matchs et troisième joueur le plus capé, nous avait accordé avant de nous quitter. Interview 🎙️
Bonjour Jean. Racontez-nous votre arrivée à l’AS Monaco ?
J’ai débuté le foot quand j’étais petit à Toulouse. J’y ai fait toutes mes classes. Le Club est ensuite tombé en faillite, puis a fusionné avec le Red Star Paris. On devait aller à Paris et je ne le voulais pas. J’ai devancé mon appel à l’armée parce qu’on devait suivre le Red Star, et sans l’accord des deux parties, je ne pouvais pas rejoindre un autre club.
Je suis parti finalement deux ans à Luchon avec Just Fontaine, mon entraîneur en Juniors. J’ai été repéré par un Monégasque, ami d’un ancien secrétaire général du Club, qui faisait sa cure à Luchon. Il a fallu ensuite discuter avec le Red Star puisque j’appartenais toujours à ce club, et il y a eu un échange de joueurs, permettant ma venue en 1969 à l’AS Monaco.
Le Club est alors en Ligue 2 à votre arrivée.
Lorsque j’étais à l’armée, le Club était encore en première division. Mais la saison avant où j’arrive, en 1968-1969 l’AS Monaco termine 17e de première division et dispute des barrages face à Angoulême, 2e de deuxième division. Ils gagnent à Angoulême et perdent à Monaco. Et lors de la belle à Paris, c’est Angoulême qui l’emporte. Au lieu d’être en première division, je me retrouve donc en deuxième division (rires).
L’AS Monaco connaît ensuite plusieurs montées et descentes mais vous faites le choix de rester. C’est une belle preuve de fidélité.
Oui mais à l’époque, les clubs européens n’achetaient pas de joueurs français. On ne pouvait pas laisser une équipe qui descendait, il fallait l’aider à remonter. C’est une fidélité bien sûr mais j’étais bien à Monaco. Je savais qu’il y avait un potentiel.
Un potentiel qui se concrétise en 1978 avec le titre. Parlez-nous de cette saison.
On finit en effet champions grâce à une grosse saison sans que l’on connaisse trop de blessés du côté de nos pièces maîtresses. Le recrutement avait été bon avec les venues d’Alfred Vitalis, Rolland Courbis, Bernard Gardon ou Raoul Noguès. Jean Luc Ettori est lui aussi arrivé du centre de formation. On était une équipe de copains, cela se ressentait sur le terrain. On sortait tous ensemble au restaurant après les matchs notamment.
A quelques matchs de la saison, on se disait « Si on gagne les cinq derniers matchs, on va être champions », car on était à la lutte avec Nantes. Et si je me rappelle bien, lors du dernier match, ils sont accrochés et nous gagnons, ce qui nous permet d’être champions. Mais ces cinq matchs, on les a gagnés face à des adversaires difficiles puisqu’on a joué Paris, Saint-Etienne, Lens et Bastia, qui était finaliste de la Coupe d’Europe, quatre jours après. C’était une formidable saison, ça jouait bien et l’amitié était présente.
Avez-vous une anecdote en tête de cette fameuse saison 1977-1978 ?
Je me souviens que Delio Onnis nous avait dit avant de débuter la saison qu’il avait rêvé qu’on allait gagner les cinq premiers matchs de la saison. Ce qui n’était pas forcément évident puisqu’on était promus, d’autant plus qu’on allait à Bastia dès la première journée. On gagne celui-ci et on remporte ensuite les quatre prochains. Je lui dis alors « pourquoi tu n’as pas rêvé six matchs », il me répond que « non, j’en ai rêvé cinq ». A la sixième journée, on recevait et on s’incline finalement (rires).
Vous décrochez un autre titre en 1982. Lequel est le plus beau ?
Pour moi, c’est celui de 1978. Je me rappelle que le défilé avait été extraordinaire dans les rues de Monaco. Il y avait tellement de monde. J’étais dans une voiture et je commençais à prendre la route qui monte au Palais, à partir du Marché de la Condamine. Je rencontrais des gens qui redescendaient du Palais, et on se croisait. Il y avait un monde fou.
C’était également le meilleur parce que pour beaucoup, c’était leur premier titre. Et je n’ai pas forcément un bon souvenir en 1982 car je me suis fait trois claquages sur le même muscle. On a dû m’opérer et j’arrête ma carrière dans la foulée.
Quels sont les meilleurs joueurs que vous avez côtoyés ?
Je dirais Christian Dalger avec qui j’ai également joué en Equipe de France. C’était un joueur capable d’éliminer deux ou trois joueurs dans le salon de la maison. Il avait une très bonne frappe. C’était un joueur qui évoluait du côté droit de l’attaque, qui a délivré d’innombrables passes décisives pour Delio Onnis.
Je l’ai vu jouer un jour en Coupe de France au poste de numéro 10, il avait été excellent. Il avait la qualité pour jouer à ce poste. C’était un joueur très compétitif et il avait une facilité pour éliminer des joueurs. Il y avait également Delio qui marquait beaucoup de buts, tout en participant au jeu.
Vous avez marqué 78 buts avec l’AS Monaco. C’est plutôt bien pour un milieu de terrain.
J’avoue ne pas savoir, il faudrait que je fasse le calcul ou que j’aille chercher dans les vieux bouquins (rires). Mais c’est vrai que j’avais une moyenne de cinq ou six buts par an. Je jouais au poste de numéro 8, capable d’aider devant et derrière, avec une bonne capacité physique. Comme je voulais aussi aider, j’allais un peu partout (rires).
Après votre carrière, vous intégrez le staff. C’était un choix qui coulait de source ?
Oui et non. Après ma carrière, cela ne se faisait pas à Monaco. J’ai d’abord été recruteur des jeunes. Il y en avait seulement deux en France à l’époque, dont moi. J’ai fait ça jusqu’à l’arrivée de Lucien Muller en 1983, qui avait notamment entraîné à Barcelone.
Là-bas, il avait l’habitude d’avoir un adjoint. Mais en France, c’était une chose qui ne se faisait pas. Il a alors demandé à Jean-Louis Campora quelle personne pourrait occuper ce poste, et il a pensé à moi. Lui aussi me connaissait un peu. Et voilà, comment j’ai débuté et suis resté trois ans avec lui à ses côtés.
Vous avez ensuite notamment été aux côtés d’Arsène Wenger, Jean Tigana, Claude Puel ou encore Didier Deschamps. Lequel vous a le plus marqué ?
Je partirais sur Arsène Wenger, dans la mesure où il a stabilisé le Club dans sa performance. Il est resté sept ans, dont six saisons consécutives en terminant dans les trois premiers. Et en Coupe d’Europe, on a fait d’excellents parcours comme la finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupe en 1992, perdue face au Werder Brême (0-2). Il l’a stabilisé à l’image d’une grande équipe et nous a fait avancer dans la récupération.
Après les matchs, on prenait l’avion pour ne pas que l’on rentre en train, sinon on mangeait à la gare et on arrivait souvent deux jours après. Il a amélioré tout ça puis il est venu de Nancy, il avait quelques jours à prouver aussi. Tous les deux, on s’est super bien entendus, et pendant sept ans et demi, je pense que l’on a fait du bon travail.
Des anecdotes sur un entraîneur ?
Non je n’ai pas d’anecdotes particulières mais chaque entraîneur m’a permis d’évoluer. Avant Arsène Wenger, j’ai aussi été l’adjoint de Stefan Kovacs, qui avait dirigé l’Équipe de France ou la Roumanie. C’était l’un des meilleurs entraîneurs au monde à cette époque.
J’ai eu de très bons rapports avec tous les entraîneurs. C’est pour ça que le Président ne voulait pas me mettre comme premier entraîneur. Il m’a dit « si tu veux la place, je te la donne. Mais un jour, s’il n’y a pas de résultat, je serai obligé de te virer et je veux te garder au Club » (rires). Tout ça a fait que je suis resté au Club durant plus de 25 ans.
"Qui est le Bon, qui est la Brute, qui est le Truand ? " 😂
🎂 𝗛𝗮𝗽𝗽𝘆 𝗕𝗶𝗿𝘁𝗵𝗱𝗮𝘆 Jean Petit ! pic.twitter.com/35Rch2BzAx
— AS Monaco 🇲🇨 (@AS_Monaco) September 25, 2020
Vous avez connu également l’épopée de 2003-2004, quel est le souvenir dont vous gardez ?
De cette épopée, c’est le match face au Real Madrid. On avait une équipe de copains mais ce n’était pas forcément une grosse équipe, sans noms vraiment ronflants. Mais ils jouaient sur le terrain comme des morts de faim, avec l’ambition que dégageait Deschamps. Mais la rencontre face au Real a été extraordinaire parce qu’ils avaient à ce moment-là, sans doute la meilleure équipe de l’histoire du club espagnol avec Zidane et toute la bande (rires).
Je n’avais jamais vu un public aussi heureux qu’on ait gagné. Cela a été une communion extraordinaire avec un Président qui est venu une année, et qui a eu cette chance de faire ce parcours. Il était seulement intérimaire et il se retrouve presque champion d’Europe (rires).
Peut-on dire que cette équipe ressemblait à celle de 1978 ?
Dans l’envie, la joie de jouer et l’amitié entre les joueurs, on va dire que oui. Les joueurs ne se ressemblaient pas mais pour être champion de France ou finaliste de la Ligue des Champions, il faut quand même en avoir dans le ventre et ça, oui on peut dire que les deux périodes se ressemblent.
Est-ce qu’il y a un joueur récent à qui vous lui trouvez une ressemblance ?
C’est difficile à dire. Peut-être João Moutinho. C’était un joueur qui donnait tout pour l’équipe, et qui répondait toujours présent. Lui aussi attaquait et défendait. Il y a des milieux qui sont là pour attaquer et pour défendre. Lui était petit, moi non par contre (rires). On n’a pas le même gabarit mais ce n’était pas un joueur qui avait peur non plus.
🎦⚽️ 𝕃𝕖 𝕋𝕠𝕡 𝟝 𝕕𝕖𝕤 𝕓𝕦𝕥𝕤 𝕚𝕟𝕤𝕔𝕣𝕚𝕥𝕤 🆚 @girondins !
Avec un 𝒑𝒆𝒕𝒊𝒕 𝒃𝒊𝒋𝒐𝒖 signé João Moutinho ✨ #RISK
🔜 #ASMFCGB pic.twitter.com/YwQEKudxsV
— AS Monaco 🇲🇨 (@AS_Monaco) April 18, 2021
Le 11 de légende de Jean Petit : Ettori – Amoros, Gardon, Quittet, Rostagni – Bijotat, Dogliani, Pastorizza – Dalger, Onnis, Emon
Le 11 de légende qu’il a entraîné ou côtoyé : Barthez – Thuram, Marquez, E.Petit, Amoros – Hoddle, Gallardo – Bernardo Silva, Weah, Mbappé, Henry