Son amour pour le Club, l'épopée de 2004... Les souvenirs de Flavio Roma
Il est l’un de ceux qui figurent sur le Mur des Légendes. 23e joueur le plus capé de l’Histoire du Club avec 249 matchs disputés, Flavio Roma a eu une part fondamentale dans la réussite de l’AS Monaco au début des années 2000. Titulaire indiscutable au poste de gardien, il fait en effet partie de l’équipe qui a remporté la Coupe de la Ligue en 2003 puis participé à l’épopée de Ligue des Champions, l’année suivante.
Une histoire d’amour entre le Club et lui
Revenu en 2012 pour y terminer sa carrière deux saisons plus tard, c’est une véritable histoire d’amour qui s’est nouée entre le Club et lui. L’ancienne forteresse du Rocher avait accepté récemment de prendre un peu de temps pour répondre à nos questions, le tout avec une très grande gentillesse et dans un Français toujours irréprochable. Entretien. 🎙
Bonjour Flavio. Donnez-nous un peu de vos nouvelles. Que faites-vous actuellement ?
Je viens de terminer la saison avec l’AC Milan où je suis l’entraîneur des gardiens. Je suis donc resté dans le monde du football puisque avant, j’ai été dans le centre de formation de l’AS Monaco. J’ai arrêté ensuite et j’ai eu l’occasion de signer dans le club italien à la demande de Paulo Maldini, l’été dernier. Cela a été une belle saison où nous avons été en demi-finales de Ligue des Champions. J’entraîne également un gardien fantastique, en la personne de Mike Maignan. C’est une super expérience.
Racontez-nous votre arrivée en 2001. Je crois que c’est Didier Deschamps qui vous a convaincu de signer.
Avant ma signature, je jouais en Italie et j’ai été contacté par le Club et Didier Deschamps. Mais à l’époque, ce n’était pas forcément un choix évident de quitter l’Italie pour rejoindre la France. Didier m’a alors convaincu en me disant « tranquille viens, ton intégration sera facile, on va créer un bon groupe ». J’ai alors eu la chance de côtoyer Antonio Pintus, notre préparateur physique, qui est italien aussi. Mon intégration a donc été plus facile, d’autant que Didier parlait italien.
Vous arrivez dans un effectif jeune et qui s’est développé jusqu’au titre en Coupe de la Ligue en 2003. Quel souvenir gardez-vous de ces deux premières saisons ?
On peut dire que la première saison a été vraiment difficile de tous les côtés parce qu’on était un groupe nombreux et beaucoup de joueurs ne trouvaient pas leur place. De mémoire, je crois qu’on était 30, ce n’était pas facile, et on termine le championnat à la 15e place. De plus, je me suis cassé l’épaule en janvier 2002.
J’ai eu une grosse opération et j’ai manqué toute la fin de saison et le début de la suivante avant mon retour en septembre. J’ai retrouvé ma place de titulaire et on effectue une superbe saison où l’on termine deuxième, et qui se conclut par ce titre en Coupe de la Ligue. En fait, dès que Didier a eu la possibilité de construire son équipe et de la développer, on a véritablement décollé.
Justement cette finale, quel souvenir vous en gardez ?
C’était notre première finale mais je l’ai vécue « facilement ». On avait un groupe jeune et un peu fou. Ça se voyait déjà que c’était de bons joueurs. Je l’ai donc vécue avec légèreté. J’ai de très bons souvenirs avec les joueurs, le staff et le Président Jean-Louis Campora. On a disputé une belle finale et tout ce qui est autour de la victoire reste encore aujourd’hui de bons souvenirs. Il faut dire que de l’avoir gagnée, cela aide forcément.
Et puis l’année suivante, vous réalisez l’épopée en Ligue des Champions, alors que personne n’aurait pu imaginer cela en début de saison…
C’est sûr que personne ne pouvait imaginer que l’on aille en finale, même si à l’intérieur du groupe, on n’était pas là uniquement pour participer. On voulait déjà passer les poules puis après, en quarts et en demi, on a joué contre de superbes équipes. Gagner, c’était vraiment quelque chose d’exceptionnel.
Comme j’ai pu le dire avant, on avait un groupe fou et fort, c’est ce qui nous a aidé dans ces matchs-là. En fait, on ne s’est jamais senti inférieur face aux grosses équipes. On se disait « Oh les gars, on peut le faire, on a les qualités pour. Ce sera difficile mais on essaye ». On n’est jamais partis dans l’idée de ne pas encaisser trois ou quatre buts. On a toujours été positifs, du staff aux joueurs.
Est-ce qu’il y a eu un déclic où vous vous êtes dit « là, on peut faire quelque chose de fou » ?
Après la phase de groupes qui était déjà difficile face à de bonnes équipes, on s’est retrouvé face au Lokomotiv Moscou. Ce n’était pas le Real Madrid, Barcelone ou Manchester United et tu te dis que face à eux, il y a moyen de passer. On tombe ensuite contre le Real et on se dit que l’on devait essayer. Je ne pense pas qu’il y ait eu un déclic en particulier puisqu’on a toujours pris les matchs sans peur et sans se dire que c’était perdu d’avance. C’était quelque chose qui nous aidait clairement.
De ce parcours, quel est le match dont vous retenez en particulier ?
Je pense forcément aux rencontres face au Real et Chelsea parce que c’était les plus beaux matchs que l’on ait joués, dans des villes comme Madrid ou Londres. On a joué deux superbes équipes, surtout le Real qui possédait des joueurs fantastiques. Je retiens également la finale parce que c’est la finale (rires). Malheureusement, le résultat n’a pas été au rendez-vous ce jour-là.
🎦🔙 𝑶𝒏 𝒕𝒉𝒊𝒔 𝒅𝒂𝒚
Il y a 17 ans jour pour jour, l'AS Monaco éliminait les Blues de Chelsea en demi-finale de la @ChampionsLeague. Quels souvenirs ! 🤩 pic.twitter.com/Pd5PJ2akos— AS Monaco 🇲🇨 (@AS_Monaco) May 5, 2021
Vous étiez l’un des joueurs les plus âgés dans ce vestiaire. Votre rôle était d’apporter de l’expérience et de donner des conseils aux plus jeunes ?
Oui parce que j’avais déjà disputé plusieurs saisons en Italie. Mais au début, ce n’était pas nécessairement le cas parce qu’étant étranger, je ne parlais pas forcément le Français. Je n’étais pas quelqu’un qui s’exprimait beaucoup et qui appelait les autres joueurs à côté. J’essayais surtout de donner l’exemple à suivre sur le terrain, que ce soit en match ou à l’entraînement. En revanche, quand il fallait dire quelque chose, je le disais.
Quels étaient les joueurs du vestiaire qui n’hésitaient pas à hausser la voix ?
Il y en avait beaucoup. Je pense notamment à Ludo (Giuly) qui était déjà au Club depuis plusieurs saisons, et qui connaissait donc les rouages. Il y avait aussi Lucas Bernardi ou Edouard Cissé. Les Français, qui étaient jeunes comme Julien Rodriguez ou Sébastien Squillaci, ne parlaient pas trop mais avaient de la personnalité. On peut aussi ajouter Fernando Morientes ou Andreas Zikos. Pour résumer, on était un bon groupe qui se parlait et qui ne laissait pas passer les choses. On pouvait discuter de tout.
Et au final, c’est ce qui a forgé la réussite de ce groupe.
Oui, on était un groupe d’amis mais on était tous ambitieux. Certains comme Fernando Morientes, Andreas Zikos, Ludovic Giuly…, avaient déjà joué à haut niveau, et voulaient le rester, tandis que ceux qui n’y étaient pas encore avaient la volonté de l’atteindre comme Jérôme Rothen, Patrice Evra ou Sébastien Squillaci par exemple. C’est ce qui a fait la force de ce groupe qui était également fort mentalement.
Qu’est-ce que vous ressentez lorsque vous pensez au fait que vous avez disputé 249 matchs avec l’AS Monaco ?
Je suis content de me dire que j’ai eu la chance de jouer près de 250 matchs avec l’AS Monaco. Je l’étais aussi lorsque j’ai pu revenir au Club pour y finir ma carrière parce que j’avais passé huit saisons auparavant, entre 2001 et 2009. Finir ici était quelque chose de très important pour moi puisque j’y ai quasiment passé la moitié de ma carrière et j’ai eu la chance de gagner quelque chose avec la Coupe de la Ligue.
De plus, j’avais encore des amis dans le vestiaire. C’était donc fondamental de revenir, et ce même si le Club était à l’époque en Ligue 2. On a ensuite eu la joie de remonter en Ligue 1 et de nous qualifier en Ligue des Champions l’année suivante. Puis je suis parti puisque l’âge ne m’aidait pas à ce moment (rires). Je retiens vraiment que des choses positives à l’AS Monaco.
Vous recevez alors un vibrant hommage à l’issue de la dernière journée en 2014. J’imagine que ça vous a marqué ?
J’ai forcément un bon souvenir et beaucoup d’émotions. Le coach Ranieri m’avait fait jouer. Dans ma tête, le match en lui-même passait en second plan. Ce qui me venait à l’esprit à ce moment, c’était le fait de me dire que c’était la dernière fois que je serais ici, sur un terrain, avec les gars. Je ne pensais qu’à ça. J’étais aussi heureux de voir les joueurs de Bordeaux venir me saluer et me féliciter avec respect. Il y a eu ensuite la fête avec les supporters et à l’intérieur du Club. C’était une belle soirée mais forcément difficile en termes d’émotion.
Quels sont les joueurs qui vous ont le plus impressionnés ?
Je pense d’abord à Ludo, parce qu’à mon arrivée, je ne le connaissais pas puisque je venais d’Italie. Il y a aussi Patrice Evra, Lucas Bernardi, Shabani Nonda et bien sûr Fernando Morientes. Mais celui qui nous a tous étonnés, c’était Hugo Ibarra. Certes, il était déjà affirmé en Argentine et avait gagné des trophées là-bas mais ça a été une sacrée surprise. C’était un super joueur à droite et il nous a beaucoup aidés. On avait les deux latéraux les plus forts du championnat avec Pat’ Evra et lui.
A l’entraînement, face à quel joueur, vous vous disiez « il va falloir que je sois très fort pour arrêter sa frappe » ?
Il y a forcément Shabani. Ludo, de par la puissance de ses frappes, ce n’était pas évident non plus. Jérôme Rothen avec son pied gauche et aussi Hugo Ibarra parce qu’il avait également une super frappe. C’étaient les joueurs les plus dangereux, mais heureusement, ils étaient avec moi (rires).
Et Fernando Morientes, comment était-il ?
Quand Nando est arrivé chez nous, c’était déjà un champion affirmé. Il avait tout gagné entre le championnat d’Espagne, la Coupe du Roi ou la Ligue des Champions avec le Real Madrid. On avait forcément du respect pour lui. Mais bien sûr, lui aussi, à l’entraînement, c’était quelque chose. Il était presque plus fort de la tête que du pied. C’était vraiment un domaine où il était impressionnant.
Question difficile à présent, quel serait votre XI all-time avec qui vous avez joué ?
C’est difficile parce que j’ai côtoyé de supers joueurs dans ma carrière à l’AS Monaco. Quand je suis arrivé, il y avait par exemple Marco Simone. Je le mettrais donc en attaque aux côtés de Shabani Nonda. En ailiers, je placerais Jérôme Rothen et Ludovic Giuly.
Au milieu de terrain, Lucas Bernardi et Andreas Zikos. Mais il y a aussi Diego Perez et Edouard Cissé. En fait, tous avaient des profils différents qui arrivaient à bien jouer ensemble, c’était notre force. Sur les côtés, Patrice Evra et Hugo Ibarra. Et en défense centrale, Toto Squillaci et Gaël Givet qui formaient une charnière vraiment très costaud.
Pour terminer, un mot pour les supporters monégasques qui vous gardent toujours dans leurs cœurs ?
J’ai été surpris parce que lorsque j’ai pris ma retraite, le Club m’a donné un livre qui répertorie tous les messages que les supporters leur avaient envoyés avant que j’arrête. C’était énorme, il y en avait des milliers. Cela a été une véritable surprise parce que je n’aurais pas pensé qu’il y avait autant d’amour envers moi, même si je le ressentais au stade. Mais pour le coup, c’était quelque chose de concret et je l’ai encore avec moi. C’était une belle preuve d’amour de gens qui se sont attachés à moi, c’était vraiment incroyable !