Sébastien Squillaci : "Envie d’être patron dans ta région"
Le derby approche : demain, Niçois et Monégasques s’affronteront pour la 99e fois en première division. L’occasion toute trouvée de revenir avec Sébastien Squillaci, l’adjoint de David Bechkoura en National 2, sur quelques moments qui l’ont marqué lors de ce mythique affrontement entre les deux équipes de la Côte d’Azur auxquels il a participé à plusieurs reprises. Après Manu Dos Santos et Gaël Givet, place aux souvenirs de derby avec Toto ! Interview.
As-tu des souvenirs particuliers de derbies qui t’ont marqué ?
Il y’en a un qui est un mauvais souvenir pour le coup, c’est le derby qu’on perd à domicile en 2004-2005, alors qu’on mène 3-0 à la 60e minute de jeu. Victor Agali met un triplé ce jour-là et on s’incline 4-3, alors qu’on avait fait trente minutes de folie en première période et qu’on mène déjà 2-0 à la 20e. Celui-là c’était la catastrophe, vraiment un mauvais souvenir pour ma part.
En as-tu d’autres en tête ?
La même année je crois qu’on gagne 1-0 ou 2-1 au Stade du Ray avec un but de Dado (Pršo) ou Ludo (Giuly) (le 30 avril 2004, Monaco s’impose effectivement 2-1 à Nice avec des buts de Dado Pršo et Ludovic Giuly, ndlr). J’en ai parlé récemment avec Gaël (Givet, ndlr), c’était un match important qu’il fallait gagner et forcément un match à l’extérieur comme ça, qui plus est le derby avec une grosse ambiance, c’est forcément un bon souvenir.
Était-ce une date particulière pour vous, étant formés ou post-formés au club ?
Bien sûr, on notait la date du derby à chaque fois. Entre nous, on en parlait. Encore une fois, on en discutait avec Gaël, on savait c’était un match important qu’il fallait gagner, parce qu’il y avait cette rivalité-là entre les deux clubs. Après c’est vrai que dans la région il y a plus de supporters de Nice, donc lorsque tu croises des gens, tu te fais un peu allumer. On avait à coeur de faire des gros matchs, et ça se sentait. Ça s’est un peu perdu sur les dernières années de ce que j’ai pu voir, même si je pense que les joueurs connaissent cette rivalité et ont quand même à coeur de faire de grandes performances.
C’est donc différent aujourd’hui par rapport à ton époque ?
Absolument. Mais c’est aussi dû au fait qu’à Nice il y a probablement moins de joueurs du cru maintenant. A notre époque, il y avait de vrais Niçois, les José Cobos, Cédric Varrault, qui étaient depuis des années à Nice, qui ont joué longtemps là-bas. Et nous, de notre côté aussi on avait pas mal de joueurs du centre de formation qui étaient attachés au club (Squillaci, Givet, Plasil, etc, ndlr), donc ça rajoutait forcément un sentiment supplémentaire des deux côtés. Je pense que c’est ça qui donnait quelque chose de différent à ces confrontations un peu musclées de temps en temps.
Le derby selon toi, est-ce un mythe inventé pour faire plaisir aux supporters ou bien étiez-vous habités d’un autre état d’esprit vous les joueurs ?
Non, non, pour moi ce n’était vraiment pas un match comme les autres. Après quand tu es professionnel tu rentres sur un terrain pour gagner tous les matchs, mais celui-là, il était spécial. Encore une fois on le sentait, que ce soit pour les supporters mais pour nous aussi les joueurs. Tu as envie d’être “patron dans ta région” j’ai envie de dire, d’être le club phare des environs et donc tu as envie de gagner de match-là. Je sais que pour nous c’était un moment très important, tout montait d’un cran. La concentration qu’on pouvait avoir, l’engagement qu’on mettait sur le terrain, c’était vraiment un événement spécial dans la saison, qu’on notait dans le calendrier. On voulait ramener un bon résultat.
As-tu le souvenir de derbies où l’atmosphère était vraiment très chaude ?
Il y avait toujours des petits regroupements sur le terrain, des petits affrontements, il y avait de l’engagement physique. Après en ce qui me concerne, dans les derbies que j’ai connus il n’y a jamais eu de grosses agressions, ça restait dans les règles de l’art. Mais il y avait de l’impact physique des deux côtés. Que ce soit à Nice ou à Monaco, il y avait du répondant. Après ce sont des gens que je recroise aujourd’hui, Cyril (Rool), José (Cobos), Cédric (Varrault), et que j’apprécie. Mais quand on était sur le terrain on défendait notre maillot, nos couleurs, il n’y avait plus d’amis, même si on se respectait. Mais on voulait tous gagner ce match.
Parle-nous de ce mythique stade du Ray pour ceux qui ne l’ont pas connu. Quelle était l’ambiance ?
C’était un petit stade vraiment dans la ville de Nice, avec des kops très chauds des deux côtés derrière les buts. Il y avait une grosse ambiance, les gens étaient proches du terrain car les grillages étaient vraiment au bord. Ça ramenait quelque chose en plus, c’était assez sympa. Ça chantait pendant tout le match. Je me souviens qu’il y avait aussi souvent des bombes agricoles, ça n’existe plus aujourd’hui évidemment. D’ailleurs, il y avait eu un accident une fois, un pompier avait été blessé. Donc voilà, c’était une ambiance chaude, dans un stade où les spectateurs étaient vraiment proches du terrain. On connaît la ferveur des supporters niçois et l’amour qu’ils ont pour leur club, ils encourageaient leur équipe durant tout le match et c’était vraiment un truc sympa à vivre, une belle ambiance. En tout cas je sais que même si c’était contre moi, j’aimais bien jouer là-bas dans cette atmosphère. Justement pour faire des résultats, car les victoires étaient d’autant plus belles dans ce contexte. Quand on a tout un stade contre soi, c’est vraiment sympa.
La notion de derby, est-ce que c’est quelque chose que vous essayez de transmettre aux jeunes de l’Academy avec Manu et Gaël aujourd’hui ?
Oui évidemment. Cette année nous n’avons pas Nice dans notre poule avec la National 2. Mais je sais qu’en U17 avec Manu (Dos Santos) l’année dernière, avant le match on leur rappelait toujours l’importance de ce match. D’autant qu’on a pas mal de joueurs qui viennent de Paris ou d’autres régions, et je pense que c’est bien de leur rappeler ce que c’est qu’un derby, ce que ça veut dire. Parce que côté niçois pour le coup ça s’est inversé, vu qu’il y a des joueurs de la région, ils connaissent l’importance de ce match-là. On le voit dans l’engagement. Donc effectivement c’était important pour Manu ou moi de leur rappeler que c’est un match qui compte pour eux mais aussi pour nous et qu’il faut gagner. Ça donnait un supplément d’âme, et souvent, de fait, on faisait des bons résultats face à Nice.
A ton époque, Patrice Evra signe à l’AS Monaco après s’être révélé à Nice avec la remontée en Ligue 1. C’était spécial pour lui ?
Je pense que oui, c’était vraiment un moment spécial pour Pat’. Après il a toujours été compétiteur et il avait toujours à coeur de faire un bon match, parce qu’il voulait gagner. En tout cas pour lui d’avoir été pendant deux ou trois ans à Nice, ça ne changeait rien au fait qu’il voulait remporter ce match quand il était chez nous.
Personnellement le derby est un peu le fil rouge de ta carrière, puisque tu as connu ça partout où tu es passé, à Monaco, Lyon, Arsenal et Séville…
C’est clair que j’en ai vécu beaucoup. Je me rappelle des derbies sévillans entre le Betis et le FC Séville, là-bas dès que tu arrivais on te disait : “Je suis Betico ou bien du FC Séville”. Ça avait encore une autre dimension je trouve, car c’était dans la même ville. Après tu as le derby de Londres aussi entre Arsenal et Tottenham qui est chaud bouillant, même s’il y a beaucoup de clubs donc beaucoup de derbies dans cette ville. C’est vraiment des bons matchs, des matchs qui me plaisent. A Lyon aussi face à Saint-Etienne c’était des supers duels, d’autant que je suis resté deux ans là-bas et je les ai tous gagnés. Même si je n’ai dû en faire que quatre (rire). Tu arrives dans un stade plein, les gens encouragent leur équipe à fond que tu sois à domicile ou à l’extérieur, donc pour moi ça fait partie du folklore. De l’intensité, de l’engagement, pour moi c’est des matchs magnifiques à jouer.
Bernard Lacombe devait vous mettre la pression sur ce match contre Saint-Etienne, on sait que c’est une obsession chez lui…
J’ai une anecdote d’ailleurs à ce sujet. Quand je signe à Lyon, ou vraiment au tout début quand j’arrive, je me pointe un jour avec un t-shirt Adidas vert. Ce n’était même pas avant un derby, c’était pendant la saison. Mais Bernard Lacombe vient me voir et il me dit : “Oh Toto (le surnom de Sébastien, ndlr), ça par contre c’est pas possible, le vert Saint-Etienne je ne veux plus le voir”. C’était marrant, pour l’anecdote, pour dire comme quoi ça comptait vraiment les derbies.