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Les grands entretiens 01 décembre 2023, 10:53

Rui Barros, Tigana, le 7e titre en 2000… Entretien inédit avec José Da Costa

Rui Barros, Tigana, le 7e titre en 2000… Entretien inédit avec José Da Costa
Présent en 2023 au Stade Louis-II à l’occasion du Derby entre l’AS Monaco et l’OGC Nice, l’ancien milieu de terrain portugais du club de la Principauté avait pris le temps d’évoquer ses souvenirs au pied du Rocher. Retour sur cette interview.

Il est arrivé anonyme de la troisième division portugaise pour exploser à l’AS Monaco, avant de remporter la Ligue des Champions sous les ordres de José Mourinho ! Resté très attaché au club qui lui a permis de se faire un nom, José Da Costa dit « Costinha » au Portugal, était présent récemment en Principauté pour donner le coup d’envoi du Derby. Après avoir visité le Centre de Performance et avant d’assister au match, l’ancien milieu portugais avait pris le temps de narrer ses années en rouge et blanc. Entretien 🎙

Bonjour José. Pour commencer, qu’est-ce que cela vous fait de revenir ici au Stade Louis-II ?

Tout d’abord je dois remercier l’AS Monaco pour l’invitation. Ça m’a beaucoup touché, car cela reste un club très spécial pour moi. Et je ne dis pas ça juste pour être sympa, mais parce que c’est lui qui m’a permis de passer de la troisième division portugaise au championnat de France de Ligue 1.

Avec de telles infrastructures, les joueurs ne peuvent qu’être performants. Le Président a fait un énorme travail pour le Club, et j’espère que les joueurs et le staff en profitent au maximum et sont conscients de la chance qu’ils ont de faire partie de ce projet.
José Da CostaA propos du Centre de Performance

Les dirigeants ont eu le courage de me faire signer et m’ont ainsi donné l’opportunité de devenir footballeur professionnel. Donc aujourd’hui c’est spécial pour moi, car cela faisait longtemps que je n’étais pas revenu à Monaco. J’ai pu voir d’ailleurs que tout a beaucoup évolué depuis, et pour le meilleur !

Qu’avez -vous pensé du Centre de Performance justement en le visitant ?

C’est quelque chose de fantastique ! Avec de telles infrastructures, les joueurs ne peuvent qu’être performants. Le Président a fait un énorme travail pour le Club, et j’espère que les joueurs et le staff en profitent au maximum et sont conscients de la chance qu’ils ont de faire partie de ce projet.

Racontez-nous les circonstances de votre arrivée après le titre en 1997

Au début j’avais un peu peur, je dois dire la vérité ! Quand tu rentres dans le vestiaire et que tu vois des joueurs qui faisaient la Une des magazines, quand j’achetais Onze Mondial, ou qui passaient à la télé, c’était impressionnant. Mais la chance que j’ai eu, c’est qu’ils ont tout de suite été gentils avec moi.

Ils ont été patients, et ont été de bons professeurs pour moi. J’ai essayé de tout faire pour leur rendre ce qu’ils m’ont donné. Ce n’est pas facile, mais si tu as la bonne mentalité, que tu veux progresser et que tu comprends que Monaco ce n’est pas la belle vie mais le Club avant tout, tu peux aussi faire quelque de beau.

Parmi les grands joueurs avec lesquels vous avez joué, lesquels vous ont le plus marqués ?

Je n’ose pas donner qu’un seul nom, car j’ai passé quatre très belles années ici, durant lesquelles j’ai eu de bons rapports avec tout le monde. Tous m’ont laissé un grand souvenir, même les « anciens » qui m’ont beaucoup aidé. En revanche, j’ai une anecdote. Quand j’ai signé mon contrat à Clairefontaine, j’étais blessé à l’adducteur après l’entraînement du matin. Je ne devais pas faire celui de l’après-midi, et il y a John Collins et Ali Benarbia qui viennent dans ma chambre où j’étais avec Martin Djetou.

Ils parlaient en Anglais avec moi et me disent : « Viens on va s’entraîner ! ». Je leur réponds que je ne peux pas car j’ai mal, et Ali se tourne vers John et lui dit : « Encore un autre touriste ! ». Et ils s’en vont. Après réflexion, je suis allé voir le kiné pour qu’il me donne un soin, et je suis allé à l’entraînement. A la fin de la séance, Jean Tigana vient me voir et me dit : « Je veux que tu signes quatre ans ! ». Je me demande encore s’ils n’étaient pas venus me voir dans ma chambre, si je serais sorti m’entraîner.

Quand je suis arrivé ici, Jean Tigana m’a appris toute sa science tactique, parce que je courais un peu de partout (sourire). Il me disait : "José, où est le but ? Arrête de dépenser de l’énergie à droite et à gauche". Donc il a pris du temps avec moi pour m’expliquer et a testé mon caractère avec certaines décisions, pour voir comment j’allais réagir.
José Da CostaA propos de Jean Tigana

C’était obligatoire à l’époque pour pouvoir espérer s’imposer à l’AS Monaco ?

Oui, car quand une est jeune, c’est facile de perdre la tête ici. Donc si tu te laisses aller, ça ne marche pas. Il faut penser au fait que Monaco est un grand club qui doit jouer le titre. Et les joueurs de l’époque m’ont fait voir les choses comme ça, même si dans mon état d’esprit, j’étais déjà dans l’optique de me dépasser.

Que vous ont apporté Jean Tigana et Claude Puel ?

Quand je suis arrivé ici, Jean Tigana m’a appris toute sa science tactique, parce que je courais un peu de partout (sourire). Il me disait : « José, où est le but ? Arrête de dépenser de l’énergie à droite et à gauche ». Donc il a pris du temps avec moi pour m’expliquer et a testé mon caractère avec certaines décisions, pour voir comment j’allais réagir. Ensuite, Claude Puel lui m’a donné la confiance dont un jeune qui n’a pas le CV d’un joueur expérimenté a besoin. Car j’arrivais d’un tout petit club.

Je pense qu’avec le groupe qu’on avait, on aurait même pu gagner un autre trophée dans la saison : la Coupe UEFA par exemple. Il nous a manqué un peu d’expérience, car nous étions très jeunes. On prenait toujours du plaisir à chaque match.
José Da CostaSur le 7e titre en l'an 2000

Il m’a même confié la responsabilité d’être capitaine de l’équipe, donc ça veut dire quelque chose. Et puis il m’a aussi transmis l’envie de ne jamais rien lâcher au niveau mental. Parfois il me faisait jouer arrière central, et il voyait que je ne me sentais pas bien et que je faisais la gueule. Et à la fin il me disait : « Si je te mets derrière, c’est que j’ai confiance en toi José ! ». Il m’a fait comprendre que parfois les entraîneurs font des choix pour le bien de l’équipe. Et tu dois accepter cela.

Parlez-nous de ce titre de champion en 2000 avec Claude justement…

(Il rectifie) Déjà il y a eu le Trophée des Champions avec Jean Tigana en 1997 contre Nice ! C’était mon premier match avec l’AS Monaco, et je rentre à la 6e minute de jeu, pour remplacer Diawara qui s’était blessé. Ensuite le titre en 2000, c’était incroyable !

Je pense qu’avec le groupe qu’on avait, on aurait même pu gagner un autre trophée dans la saison : la Coupe UEFA par exemple. Il nous a manqué un peu d’expérience, car nous étions très jeunes. On prenait toujours du plaisir à chaque match. Sans parler de la fête à la fin, qui a été incroyable !

Il y avait une sacrée équipe à l’époque !

Oui c’est vrai, mais il y avait surtout un bon mélange entre des joueurs d’expérience : Fabien (Barthez), Sabri (Lamouchi), Marco (Simone). Et des jeunes, avec Ludo (Giuly), Marcelo (Gallardo), Pablo (Contreras), Christanval, Djetou, Sagnol, Riise, Pršo, Leonard… J’avais 26 ans personnellement, mais nous avions une équipe incroyable ! Le fait que nous étions très unis dans le groupe, a fait que nous avons réalisé un championnat exceptionnel.

Je m’entendais très bien avec Sabri (Lamouchi) au milieu de terrain. Un joueur très intelligent qui jouait plus haut que moi, pendant que je gérais la profondeur dans mon dos. (...) Il y avait aussi Marcelo (Gallardo), qui était comme un frère pour moi, et qui évoluait encore plus devant. Mais dans le tandem du milieu, on avait vraiment une super entente.
José Da CostaSa relation technique avec ses partenaires

Quel est le match qui vous a le plus marqué durant cette saison ?

(Sans réfléchir) Celui à Auxerre ! Je me rappelle qu’à la fin de la rencontre, on a commencé à chanter dans le bus qu’on allait être champions ! Car à l’époque, gagner à l’Abbé Deschamps c’était très difficile. On avait fait un match exceptionnel là-bas, et nous nous sommes dit : « Si on ne s’arrête pas ici, rien ne va nous arrêter ! ».

Quels étaient les joueurs avec lesquels vous aviez la meilleure relation technique ?

Je m’entendais très bien avec Sabri (Lamouchi) au milieu de terrain. Un joueur très intelligent qui jouait plus haut que moi, pendant que je gérais la profondeur dans mon dos. En général dans un groupe, même si tu changes de partenaire sur le terrain, si tu fais les choses correctement, ça fonctionne. Il y avait aussi Marcelo (Gallardo), qui était comme un frère pour moi, et qui évoluait encore plus devant. Mais dans le tandem du milieu, on avait vraiment une super entente.

Que retenez-vous de ces quatre années fantastiques avec le recul ?

Beaucoup de grands matchs ! Le fait d’être champion de France aussi a été quelque chose d’incroyable. Je ne savais pas ce que c’était à l’époque, et la fête a été magnifique avec les supporters. Ensuite, mon plus beau souvenir ici reste d’avoir eu la chance de rejoindre l’équipe nationale du Portugal grâce à mes performances à l’AS Monaco.

Je me rappelle comme si c’était hier du jour où Jean Tigana est venu avec le fax en main, en veille de match au Méridien. Il m’a dit : « Écoute, le monde est perdu, tu vas en sélection ! ». Il rigolait avec moi, et c’est quelque chose que je n’oublierai pas.

En tout cas, ce club restera dans mon cœur toute ma vie ! Car c’est celui qui m’a lancé au haut niveau, et ça tu dois le respecter, ne pas oublier et dire MERCI !
José Da CostaA propos de l'AS Monaco

En quoi vous vous rendiez compte que le Club était chargé d’histoire ?

Je me souviens qu’en 1994, Rui Barros jouait en Coupe des Coupes avec l’AS Monaco à Lisbonne, et je suis allé voir le match. C’est peut-être ce jour-là que j’ai commencé mon histoire avec ce grand club. En tout cas, il restera dans mon cœur toute ma vie ! Car c’est celui qui m’a lancé au haut niveau, et ça tu dois le respecter, ne pas oublier et dire MERCI !

Il restera une seule blessure dans votre histoire commune, cette finale de Ligue des Champions que vous remportez… face à Monaco en 2004 !

Malheureusement, même moi j’avais un sentiment mitigé. J’étais bien évidemment content, car gagner une Ligue des Champions c’est grandiose. Mais en même temps c’était Monaco en face, et je voyais la tête de certains supporters rouge et blanc avec qui j’étais resté ami, très tristes en bas de la tribune. Je suis allé les saluer. Malheureusement c’est une finale et il fallait la gagner.

Un dernier mot pour nos fans justement ?

Je leur dis MERCI ! Qu’ils continuent de supporter l’AS Monaco comme ils l’ont toujours fait, car c’est un grand club. Et du fond de mon cœur, j’espère qu’ils auront de nouveau l’occasion de fêter des titres ici au Stade Louis-II !