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Les grands entretiens 14 février 2023, 09:47

Philippe Léonard : "Enzo Scifo a été un grand frère pour moi"

Philippe Léonard : "Enzo Scifo a été un grand frère pour moi"
Champion de France 1997 et 2000 avec l'AS Monaco, l'ancien latéral gauche belge nous avait accordé une interview en octobre 2021 pour évoquer ses souvenirs en Principauté.

Il a passé sept ans au pied du Rocher, connu les algecos de La Turbie, évolué sous les ordres de Jean Tigana et Claude Puel et remporté deux titres de champion de France en 1997 et en l’an 2000. Jeune arrière gauche prometteur formé au Standard de Liège lorsqu’il débarque à l’AS Monaco, Philippe Léonard a tout connu en Principauté, tout au long des 135 matchs disputés avec la Diagonale (5 buts, 1 passe décisive).

Un peu de Di Meco, beaucoup d’Enzo Scifo… et de sourires !

Les joies de la victoire, une concurrence féroce, des générations de joueurs exceptionnels et la sélection belge. Récemment, le successeur d’Eric Di Meco, petit frère spirituel d’Enzo Scifo, avait accepté de faire marcher la machine à souvenirs. Retour sur cet entretien teinté de beaucoup de sincérité, et d’un très grand sens de l’humour. 🎙️

C’est sûr que j’ai eu la chance de côtoyer de grands joueurs dans le vestiaire. Certains qui étaient très jeunes et qui sont devenus des phénomènes par la suite, comme Titi Henry et David Trezeguet notamment. D’autres étaient confirmés, comme Marcelo Gallardo, Marco Simone, Sabri Lamouchi, et j’en oublie. Avoir connu ces joueurs a été un réel plaisir, mais qu’est-ce que c’est passé vite !
Philippe LéonardAncien latéral gauche de l'AS Monaco

Bonjour Philippe. Quelle sensation cela vous procure de revenir ici au Stade Louis-II ?

Passer sept ans de ma carrière dans ce club, où j’ai connu des titres, des victoires, des défaites aussi, ça marque. Donc ça me fait toujours plaisir de revenir « à la maison ». En plus je vois qu’il y a pas mal d’évolutions dans le Stade, et même la pelouse, elle n’était pas aussi belle que maintenant à notre époque (sourire).

Vous avez connu de grands joueurs et deux titres de champion de France (1997, 2000). Que retenez-vous de votre passage en Principauté ?

C’est sûr que j’ai eu la chance de côtoyer de grands joueurs dans le vestiaire. Certains qui étaient très jeunes et qui sont devenus des phénomènes par la suite, comme Titi Henry et David Trezeguet notamment. D’autres étaient confirmés, comme Marcelo Gallardo, Marco Simone, Sabri Lamouchi, et j’en oublie. Avoir connu ces joueurs a été un réel plaisir, mais qu’est-ce que c’est passé vite ! Maintenant quand je parle, je dis « à l’époque », et ça ça fait mal (rires).

Vous avez connu Enzo Scifo à l’AS Monaco. En tant que joueur belge, qu’est ce que cela représentait pour vous ?

Enzo chez nous en Belgique, c’est une icône. J’ai une anecdote d’ailleurs sur mon arrivée à l’AS Monaco. On avait rendez-vous avec les Diables Rouges (la sélection belge, ndlr). Il y avait une opposition de prévue entre les Espoirs et les A. Enzo est venu me saluer en me demandant si les rumeurs sur mon arrivée étaient vraies. Je lui ai répondu : « Oui oui c’est bon j’ai signé pour quatre ans ». Il m’a félicité évidemment et ensuite c’est vraiment lui qui a facilité mon intégration ici. Car je suis quelqu’un d’assez taiseux dans la vie, vous me mettez dans un coin et je ne bouge pas. Enzo m’a présenté à Fabien Barthez, Sonny Anderson, Manu Petit, Franck Dumas et tous les cadres du vestiaire. Tous ces gars que j’ai appris à connaître. Sans oublier Eric Di Meco évidemment.

Il évoluait au même poste que vous, latéral gauche. Comment était-il ?

Du point de vue chambrage c’était le roi ! C’est quelqu’un qui a marqué ma carrière, car je le voyais toujours faire des tacles à l’arrache, et je me disais qu’être le remplaçant d’un mec comme ça, c’était une chance. J’adorais sa façon de jouer, d’être agressif, parfois un peu trop (sourire) ! Mais se retrouver sur le terrain ou dans le vestiaire à côtoyer des mecs comme ça c’était super.

Quand je suis arrivé, il m’a vraiment pris en main. Il m’a présenté tout le monde, m’a expliqué le mode de fonctionnement, car c’était mon premier club à l’étranger, j’arrivais du Standard de Liège. (...) Je pense qu’il a accéléré mon apprentissage ici et le fait de rencontrer les gens via Enzo, ça a facilité mon intégration, c’est indéniable.
Philippe LéonardA Propos d'Enzo Scifo

Pour revenir à Enzo Scifo, a-t-il eu un rôle de grand frère pour vous ?

Quand je suis arrivé, il m’a vraiment pris en main. Il m’a présenté tout le monde, m’a expliqué le mode de fonctionnement, car c’était mon premier club à l’étranger, j’arrivais du Standard de Liège. Lui avait déjà vécu ça auparavant. Je pense qu’il a accéléré mon apprentissage ici et le fait de rencontrer les gens via Enzo, ça a facilité mon intégration, c’est indéniable.

Vous avez aussi évolué sous les ordres de grands entraîneurs. Parlez-nous d’eux…

Quand je suis arrivé, c’est M. Tigana qui était le coach et Claude Puel était préparateur physique. Mais je dois dire que celui qui m’a le plus marqué c’est vraiment Claude. Du point de vue de la mentalité, le fait de ne jamais rien lâcher. Quand il est devenu préparateur physique et même après en tant qu’entraîneur, il faisait les toros et les petits jeux avec nous. Et si vous aviez le malheur de lui mettre un tampon, il revenait pour vous mettre un tacle (sourire). Il n’avait pas peur de venir mettre le pied. Plus sérieusement, c’est lui qui m’a fait le plus progresser, car il m’a permis de me dépasser. Même quand j’étais en retard physiquement par rapport à des jeunes joueurs formés à Monaco, alors que j’avais déjà quatre années en professionnel en Belgique, il m’a fait travailler. Il m’a fait progresser aussi au niveau tactique, donc il m’a particulièrement marqué.

La victoire pour le titre de champion en 1999-2000 m'a marqué. Nous savions que c’était important pour la Principauté. On nous avait fait savoir en début de saison que c’était important pour la famille princière. Et je crois qu’on a fait la plus belle saison de l’histoire de l’AS Monaco, avec une belle moyenne de 9000 spectateurs au Stade Louis-II. Mais surtout, on jouait un vrai football !
Philippe LéonardAu sujet du titre de 2000

Avez-vous une anecdote de vestiaire qui vous revient en tête ?

La première c’est quand je suis arrivé dans le vestiaire à l’entraînement dans les algecos à La Turbie. Il pleuvait. Eric Di Meco arrive et ouvre la porte, et là “le ciel” lui tombe sur la tête. Il se retourne alors vers Jean Tigana et lui dit : « Oh Jeannot, on va pas s’entraîner aujourd’hui, t’as vu le temps qu’il fait ? » A ce moment-là, Tigana passe sa tête et dit : « Ok, on va attendre un peu ». On a dû mettre des seaux pour éviter qu’il y en ait de partout. Et là je me suis dit : « On est quand même à l’AS Monaco, c’est quoi ce bordel ? » (rires) Finalement je m’y suis habitué et j’ai fait sept ans dans les algecos. C’était marquant.

Un grand souvenir qui vous a marqué…

La victoire pour le titre de champion en 1999-2000. Nous savions que c’était important pour la Principauté. On nous avait fait savoir en début de saison que c’était important pour la famille princière. Et je crois qu’on a fait la plus belle saison de l’histoire de l’AS Monaco, avec une belle moyenne de 9000 spectateurs je crois au Stade Louis-II. Mais surtout, on jouait un vrai football ! Il arrive un match où je suis suspendu, et où on sait qu’on est déjà champions. je suis arrivé, j’étais en costume avec une belle chemise, et j’ai fini par me jeter dans le jacuzzi, sinon Martin Djetou et Fabien Barthez allaient le faire pour moi. Je me souviens très bien, j’ai même gardé des photos de ce moment. J’ai enlevé ma veste et j’ai fait une bombe. J’ai sauté avec le Président Campora. Un grand souvenir aussi.

Pour parler un peu plus d’actualité, quel est votre regard sur la collaboration entre l’AS Monaco et le Cercle Bruges ?

C’est une très bonne chose parce que le championnat de Belgique, même s’il est un peu en-dessous du Big 5, reste un très bon endroit pour la progression des jeunes. Donc je pense que l’AS Monaco a fait un très bon choix de venir acquérir le Cercle Bruges, et y envoyer des jeunes qui vont pouvoir s’aguerrir et devenir peut-être de très bons joueurs plus rapidement. Car la Jupiler Pro League reste un championnat exigeant. Physiquement il faut répondre présent, car l’agressivité des équipes adverses fait qu’il faut directement se mettre au diapason pour ne pas se faire marcher dessus. C’est un apprentissage beaucoup plus rapide et c’est donc très malin de la part de l’AS Monaco.

Cette semaine il y a une demi-finale de Ligue des Nations entre la France et la Belgique, qu’est-ce que cela vous évoque ?

Je ne sais pas quand on pourra retrouver une génération aussi talentueuse que la Belgique actuellement. Donc c’est le moment de gagner quelque chose ! Passer la France c’est déjà compliqué, et derrière il y aura l’Espagne ou l’Italie. Mais avec les joueurs que l’on a en sélection, qui jouent tous dans les grands championnats et dans des grands clubs, ce serait quand même dommage de rater l’occasion de remporter un trophée. Pour nous, petit pays de 12 millions d’habitants, on aspire vraiment à ce que cette génération puisse gagner quelque chose.

Certes ils ont fait mieux que leurs aînés en 1986 qui avaient terminé 4e de la Coupe du Monde. Eux ont terminé à la troisième place en 2018, mais on ne peut pas se contenter de ça quand on a autant de talents. Il faut gagner quelque chose, et pourquoi pas gagner la Ligue des Nations, ou même mieux, la Coupe du Monde dans un an, ce serait magnifique. En tout cas, ce sera une belle affiche jeudi. Peu importe la façon de jouer, il faut qu’on gagne (sourire) !