Les jeunes de l'Academy sensibilisés à la question de l'homophobie
Avec la parution de son livre « Adieu ma Honte », publié le 5 mai dernier aux éditions Fayard, Ouissem Belgacem a décidé de briser le silence d’un sujet tabou dans le monde du sport en général et dans l’univers du football en particulier, l’homosexualité. Après trois ans de travail et d’écriture, cet ancien footballeur a publié son récit. Poignant.
J'ai dû cacher mon homosexualité pour percer dans le foot.
Alors qu’il voulait devenir joueur de foot, Ouissem Belgacem a dû cacher son homosexualité pendant toute son adolescence. À l’occasion de la sortie de son livre “Adieu ma honte”, il nous raconte son histoire pic.twitter.com/Gpy4zPSAmw
— Konbini (@KonbiniFr) May 15, 2021
La semaine dernière Ouissem Belgacem était en compagnie d’Elisabeth Moreno, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité, lors du Forum de rentrée de la Fédération Sportive Gaie et Lesbienne. Ce mardi 14 septembre, c’est auprès des jeunes de la Diagonale qu’il s’est exprimé pour présenter son histoire. Une première au sein d’un centre de formation de football en France qui en appellera d’autres. Retour sur une rencontre authentique.
Une heure de débat sans filtre
En arrivant dans la salle de détente de la Diagonale, les U19 de l’AS Monaco ne sont pas au courant du programme qui les attend. Comme lors de chaque rentrée, les membres de la scolarité organisent un événement dans le cadre du projet socio-éducatif. Alors lorsqu’ils se retrouvent face à Ouissem Belgacem les regards sont curieux. Aujourd’hui à la tête d’une société basée à Londres qui travaille avec des athlètes de haut niveau, Ouissem Belgacem commence son allocution par une mise en confiance : « Avant de vous expliquer mon parcours, je voulais vous dire que si je suis venu de Paris c’est pour discuter avec vous. Je ne suis pas un prof, ni un dirigeant de l’AS Monaco donc n’hésitez pas à vous exprimer, votre avis m’intéresse ! »
Dans la salle, tout le monde est à l’écoute, comme interpellé par cette faculté à s’exprimer. Pour Virginie Gollino, responsable de la scolarité au sein de l’Academy, c’était l’intervenant idéal. « Cela fait plusieurs années que nous essayons de mettre en place une action contre l’homophobie mais nous n’avions jamais trouvé de partenaires qui correspondaient à ce que nous voulions transmettre. Avec son passage en centre de formation, il a le profil parfait pour s’adresser à nos jeunes, » se réjouit-elle.
Un témoignage marquant pour les U19 et U17
Après une introduction sur son parcours de vie, il est temps pour Ouissem de déclarer son homosexualité aux joueurs. Aucun des membres du groupe U19 ne le connaît. Et la surprise peut se lire dans le regard de certains. Peu à peu la timidité laisse alors place à la curiosité : « Comment avez-vous annoncé la nouvelle à vos proches ? », s’interroge un des stagiaires. Seul garçon d’une famille de cinq enfants, Ouissem Belgacem porte aussi sur ses épaules l’espérance de toute famille.
Originaire d’un quartier difficile d’Aix en Provence, le franco tunisien est de confession musulmane. « Et la religion dans tout ça? », interpelle un jeune joueur. « C’est une très bonne question », sourit Ouissem Belgacem. S’ensuit alors un moment d’échange intense autour de la question de l’homophobie dans notre société.
💬 « La société a voulu faire de moi un homosexuel honteux et malheureux. »
C’est notamment par la religion que Ouissem Belgacem a retrouvé une certaine sérénité, il raconte 👇#CàVous pic.twitter.com/do3tepM79p— C à vous (@cavousf5) May 12, 2021
« Son témoignage nous a appris beaucoup de choses »
Après une heure de débat en compagnie des U19, c’est au tour des U17 d’entrer dans l’arène. « C’est la première fois que j’assiste à un événement sur l’homophobie, c’était très intéressant ça nous permet de réfléchir sur le sujet. Le fait que ce soit un ancien joueur de centre, ça m’a encore plus marqué. Au sein du groupe il y avait pas mal de débat entre nous sur le sujet et je pense que son témoignage nous a appris beaucoup de choses, » témoigne Mathis Coudour, défenseur des U17.
Au cours de l’échange avec les joueurs, Ouissem n’hésite pas à poser des questions : « Est-ce que vous trouverez normal que quelqu’un vienne vous discriminer pour quelque chose que vous n’avez pas choisi ? » Chez certains, la question fait réagir : « Mais monsieur, dans la société il y aura toujours des gens racistes et homophobes, ça ne va jamais changer. »
Une rencontre enrichissante
Pour Marc-Olivier Taccard, à l’origine de la rencontre, le contrat est rempli. « Si j’ai initié le contact avec Ouissem, c’est justement pour chasser ce type de raisonnement là. Preuve à l’appui, un footballeur gay témoigne chez nous. C’est une première. Les choses changent, elles évoluent et faire bouger les lignes est une première étape. » Un événement pédagogique réussi selon Bertrand Reuzeau, directeur de la Diagonale. « Faire passer des messages auprès de nos jeunes joueurs et leur ouvrir l’esprit sur des sujets aussi sensibles dans le milieu du football c’est quelque chose d’enrichissant intellectuellement. »
Très heureux et honoré d’avoir pu orchestrer la venue de Ouissem Belgacem au centre de formation @AS_Monaco 🇲🇨 magnifique témoignage 👍
Objectif ✅ lutter contre les discriminations et ouvrir le dialogue avec les jeunes ⚽️ ! #adieumahonte #academyproject pic.twitter.com/sEvxxDaA4S— Taccard Marc-Olivier (@motaccard) September 15, 2021
L’objectif de la rencontre est avant tout de faire évoluer les mentalités. « On ne choisit pas sa sexualité. De la même manière que je n’ai pas choisi de naître arabe ou avec les yeux marrons. Il faut donc qu’on arrête d’exclure certaines personnes de la société alors qu’elles ne pourront pas changer » conclut Ouissem Belgacem. Afin de clore le débat, chaque pensionnaire de la Diagonale a reçu un exemplaire du livre « Adieu ma honte ». Certains se sont même déjà empressés de feuilleter les premières pages. D’autres étudieront l’ouvrage de Ouissem plus scrupuleusement durant l’année scolaire puisque des enseignantes l’avaient insérés dans leur programme… Les lignes bougent.
« Ce que j’ai apprécié avant tout c’est leur niveau d’honnêteté »
Après un selfie en compagnie des jeunes monégasques, place à la satisfaction du principal intéressé, maillot de Wissam Ben Yedder sur l’épaule, le clin d’oeil était facile : « J’avais pas mal d’appréhension dans la mesure où c’était ma première intervention dans un centre de formation et franchement je suis ravi, les échanges ont été vifs, durs, encourageants et parfois même déstabilisants. Je les ai trouvé très réceptifs, ils étaient dans l’engagement, dans la discussion. Ce que j’ai apprécié avant tout c’est leur niveau d’honnêteté. Une des phrases que j’ai adoré et qui peut paraître paradoxale c’est quand un joueur m’a dit : « Je n’aime pas les gays… mais je ne sais pas pourquoi ». Je me dis que s’il s’est senti à l’aise de dire ça devant les équipes encadrantes c’est que nous avons réussi à créer un environnement en moins d’une heure dans lequel il a réussi à se sentir assez à l’aise pour me dire vraiment ce qu’il pensait. Si je suis venu ici aujourd’hui c’est avant tout pour ces jeunes qui vont représenter le futur du football en France, et de sentir le chemin qu’on peut parcourir en moins d’une heure j’ai trouvé ça vraiment gratifiant ».
Lucas Garnier – EDJ Nice