L’Academy, le titre en 2000, Marquez… Entretien inédit avec Philippe Christanval
Comme beaucoup, il est un enfant de l’Academy ! Formé au pied du Rocher après avoir commencé son apprentissage à l’INF Clairefontaine, Philippe Christanval a démarré dans le monde professionnel et connu ses premiers titres avec l’AS Monaco, avant de s’envoler pour Barcelone. Prodige de la génération 2000, avec qui il a été sacré champion de France, l’ancien défenseur central rouge et blanc a accepté d’évoquer ses meilleurs moments, avant le choc de Ligue des Champions entre ses deux anciens clubs. Interview 🎙️
Bonjour Philippe. Pour démarrer, que vous évoque l’AS Monaco en premier lieu ?
Instinctivement je pense déjà à mon passage au centre de formation, puisque j’y ai vécu de très belles années. Et derrière, cela a été ponctué en pro’ par le titre de Champion de France en l’an 2000.
Justement, que retenez-vous de votre arrivée à l’Academy ?
Quand je suis arrivé au Club, c’était déjà un gros changement de cadre de vie pour moi, par rapport à ce que j’avais connu en région parisienne. Ensuite je me souviens de mes coéquipiers, avec qui j’ai passé de très bons moments.
Sans oublier les éducateurs, que ce soit mon entraîneur en U17, Paul Pietri, Gérard et Laurent Banide que j’ai eu en équipe réserve ou bien le responsable du centre, Jean-Marie Aquilina. J’ai gardé d’excellents souvenirs de ces personnes.
lire aussi
Gérard Banide, la formation dans la peauVous basculez ensuite rapidement chez les pros. Racontez-nous ce passage de la formation à l’équipe une…
A l’époque, l’entraîneur était Jean Tigana et nous avions un match de Coupe de la Ligue contre Troyes à domicile (16e de finale en décembre 1996, ndlr). A cette occasion, le coach avait voulu me tester chez les pros, et j’avais fait mon entrée en seconde période, qui s’était bien passée.
Ensuite j’ai enchaîné avec le groupe, ce qui n’était pas évident car il y avait des joueurs importants. Mais la chance que j’avais, c’est que le Club avait beaucoup misé sur moi, et qu’il mettait tout en place pour que je puisse évoluer petit à petit pour atteindre mon plein potentiel.
Un peu plus tard, vous allez notamment jouer aux côtés de Rafael Marquez.
Alors c’est drôle car nous sommes de la même génération avec Rafa à un an près, puisqu’il est de 1979 et moi de 1978. Donc quand il arrive du Mexique, c’était un jeune comme moi. Mais on a tout de suite vu sa qualité technique et d’anticipation dans le jeu !
Et l’année où nous sommes champions en 2000, nous jouons tous les deux dans l’axe, et on fait une super belle saison. Mais c’est surtout sa trajectoire derrière qui impressionne, avec le Barça notamment et l’équipe nationale. En tout cas, ça reste un des meilleurs défenseurs centraux que j’ai eu la chance de côtoyer durant ma carrière.
Vous parliez du titre de champion, comment avez-vous vécu cette saison ?
Honnêtement, c’est mon meilleur souvenir en tant que footballeur professionnel ! Cette année-là, toutes les planètes étaient alignées. D’abord on avait un effectif exceptionnel avec des joueurs merveilleux, comme David Trezeguet, Fabien Barthez, Willy Sagnol, Marco Simone, Marcelo Gallardo… je pourrais tous les citer (sourire) ! Mais au-delà de ça, on pratiquait un beau football, très offensif, avec beaucoup de qualité technique.
On prenait beaucoup de plaisir, même à l’entraînement, sous les ordres de Claude Puel. Et c’est ce qu’il avait d’ailleurs confié dans un article un jour, le fait qu’on était l’équipe avec laquelle il avait pris le plus de plaisir en tant qu’entraîneur, ce qui est quand même gratifiant. Ça s’est terminé avec un titre de champion, et à titre personnel, j’avais été élu meilleur espoir de Ligue 1, donc pour moi c’était une année top !
Cette tradition du beau jeu, c’est un peu la marque de fabrique de l’AS Monaco…
On entend parfois des critiques sur les supporters monégasques, mais ce que je peux vous dire c’est qu’ils sont très connaisseurs ! De très grands joueurs se sont succédés en Principauté depuis les années 90 et même avant, donc les gens ont l’habitude du beau jeu, et connaissent la dimension de ces joueurs, ou de ceux en devenir. Donc je pense qu’à Monaco, il y a des cycles, des saisons où cette tradition perdure et où des grands talents émergent. Et c’est la marque de fabrique du Club, c’est évident !
Quels joueurs vous ont le plus impressionnés ?
Il y en a plusieurs, forcément. A titre personnel, quand j’ai débuté c’est Franck Dumas, défenseur central comme moi, qui m’a marqué. J’ai énormément appris à ses côtés. Je pourrais citer aussi David Trezeguet, car dans ma carrière je n’ai jamais vu un avant-centre aussi fort et adroit devant le but ! Je suis obligé de mentionner Thierry Henry également, un autre attaquant exceptionnel.
Mais celui que je voudrais aussi mettre en avant, c’est Marcelo Gallardo, notamment la saison où nous sommes champions en 2000 justement. Il marchait sur l’eau, et il représentait le football que tout le monde aime : intuitif, très technique, des gestes qui sortent de nulle part. Il nous a vraiment fait rêver cette année-là !
Qu’avait-il de si spécial selon vous ?
Il avait en lui la magie du football, tout simplement ! Ce côté dribbleur, intuitif, avec des gestes techniques qui sortent de l’ordinaire… ce genre de joueurs manque cruellement au football d’aujourd’hui je trouve. L’AS Monaco a toujours su recruter ces profils de meneurs de jeu très techniques et avec cette qualité (Ramon Diaz, Rui Barros, Enzo Scifo, Marcelo Gallardo, Bernardo Silva… ndlr).
Pour revenir au coach qui était à la tête de ce doublé Ligue 1 – Trophée des Champions en 2000, que vous a apporté Claude Puel ?
C’était un entraîneur très exigeant, très rigoureux. Et je pense qu’il m’a apporté ces deux valeurs que l’on doit avoir pour jouer au haut niveau. Il l’était déjà lorsqu’il était lui-même joueur, et il nous l’a transmis ensuite lorsqu’il est devenu coach.
Par la suite, vous allez poursuivre votre carrière au FC Barcelone. Que retirez-vous de ce passage dans un des plus grands clubs au monde ?
C’était aussi une expérience exceptionnelle ! Quand vous êtes jeune et que vous vous retrouvez au FC Barcelone, au Camp Nou, c’est quelque chose. Et le fait d’avoir débuté très jeune à Monaco dans des effectifs de haut niveau avec des grands joueurs, m’avait conditionné.
Malgré tout, quand je suis arrivé, j’ai été surpris de la qualité technique, qui était encore un niveau au-dessus. Ça m’a marqué ! L’AS Monaco, c’était déjà une dimension nationale et internationale, mais le Barça c’est vraiment une dimension mondiale, à tous les niveaux. Je suis passé dans une autre planète avec ce club.
Avec le recul, pensez-vous que l’AS Monaco est le parfait tremplin pour accéder au très haut niveau ?
Je pense que oui, car quand on voit tous les noms qui sont passés par l’Academy et qui ont fait de grandes carrières, on peut même dire que l’AS Monaco a le meilleur centre de formation de l’Hexagone. Quand on regarde tous les joueurs qui sont sortis du centre et qui sont devenus internationaux français, et ceux qui sont même devenus par la suite champions du Monde, cela prouve la valeur de cette pépinière.
Justement, qu’est-ce qui fait que c’est un des meilleurs ?
Déjà il y a le cadre, qui permet de travailler dans la tranquillité. Il y a ensuite un travail de fond qui est fait par les recruteurs, pour aller chercher les joueurs qui ont le potentiel d’évoluer au très haut niveau. Et puis il y a la formation pure, que ce soit du point de vue sportif ou même dans l’éducation et dans la transmission de valeurs. Personnellement, l’Academy est un endroit où j’ai appris énormément de choses au niveau du jeu, mais également au niveau humain.
C’est une parfaite école de la vie ?
Complètement ! Je parle toujours du décalage entre la Principauté, qui a une image prestigieuse, et ce que l’on a pu connaître plus jeunes. C’est un endroit où les gens s’arrêtent au passage piétons, où on vous dit bonjour, et donc où humainement parlant, ça nous éduque et nous apprend des valeurs en tant que jeunes, comme le respect. Et ce sont des choses que nous gardons ensuite toute notre vie.
Gardez-vous un moment en particulier en mémoire à l’AS Monaco ?
Instinctivement, j’ai envie de parler de ma première demi-finale en Ligue des Champions en 1998. J’avais joué au match retour contre la Juventus Turin (succès 3-2 après une défaite 4-1 en Italie à l’aller, ndlr) et ça m’avait beaucoup marqué, car j’étais très jeune et donc surpris de me retrouver titulaire pour la deuxième manche de cette double confrontation.
On est aujourd’hui à l’aube d’une superbe affiche contre Barcelone. Comment voyez-vous cette rencontre ?
L’équipe actuelle de l’AS Monaco est très jeune. Et personnellement, même si je suis toujours supporter des Rouge et Blanc, il y a quand même une formation en face qui a beaucoup d’expérience en Ligue des Champions, avec des joueurs qui ont un gros vécu au haut niveau et des matchs à haute pression. Malgré tout j’espère que l’AS Monaco va quand même l’emporter (sourire) !
« 𝘊’𝘦𝘴𝘵 𝘢̀ 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘥’𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘱𝘳𝘦̂𝘵 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘤𝘦 𝘮𝘢𝘵𝘤𝘩. »
À la veille du premier match de @ChampionsLeague, Denis Zakaria & le Coach se sont présentés devant les médias 🎥
‣ #ASMFCB pic.twitter.com/xiUeEZLiTE
— AS Monaco 🇲🇨 (@AS_Monaco) September 18, 2024
Qu’est-ce que la Ligue des Champions a de si spécial pour les joueurs ?
Tout le monde le dit, donc je ne vais pas être novateur, mais déjà lorsque l’on entend l’hymne de la compétition, ça fait quelque chose. C’est une compétition qui sublime sur le terrain, avec le fait de rencontrer de grandes équipes. C’est le très très haut niveau européen, donc tout joueur de foot aimerait la jouer, et notre niveau de jeu augmente automatiquement.
Surtout que cette année, la C1 inaugure une nouvelle formule…
Effectivement, un nouveau format avec beaucoup plus de matchs. L’expérience est d’autant plus importante dans cette compétition, qu’il faut savoir gérer les temps forts et les temps faibles. Et il faut savoir aussi gérer le nombre de rencontres.