Joël Leroy : "Plus de 57 ans de passion pour l’AS Monaco"
Il a le sang rouge et blanc depuis plus de 57 ans maintenant. Niko Kovac n’était même pas né lorsqu’il a commencé à avoir ses premiers frissons. Fils de cheminots, originaire des Hauts de France, il était ainsi le premier à sillonner les routes de l’Hexagone pour siéger dans les parcages adverses, au soutien de l’AS Monaco. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Tombé dedans quand il était petit, comme beaucoup, il s’est découvert un amour pour le club de la Principauté un soir devant sa télévision en noir et blanc. A l’époque, en 1963, il ne pouvait pas deviner que la Diagonale séparait le blanc du rouge, sur un maillot fraîchement imaginé, dessiné par la Princesse Grace. Pas plus que derrière son transistor, à l’écoute de France Inter.
Il a connu les huit titres de champion de France
Un maillot qu’il allait plus tard collectionner, comme un enfant collectionne ses vignettes Panini. Avec amour et candeur. Lui, c’est Joël Leroy, 64 ans, ancien employé dans une usine de traitement de papiers-cartons, désormais à la retraite. De Lucien Leduc à Kylian Mbappé, en passant par son « ami » Jean-Luc Ettori, cet amoureux de la première heure, a connu tous les grands noms et tous les titres qui ont fait l’histoire de cette institution qu’est l’AS Monaco. Fidèle supporter de son club de cœur, comme il l’appelle, il continue à traverser les générations, avec un seul but : transmettre sa passion aux plus jeunes. A l’aube du sommet face au LOSC, rencontre avec le local de l’étape, le plus vieux fan des Rouge et Blanc, une encyclopédie en chair et en os.
Bonjour Joël. Tout d’abord, comment vous est venue cette passion pour l’AS Monaco, vous l’enfant de la Picardie ?
C’est parti grâce à un poste de télévision. Mes parents étaient cheminots et en 1963 ils ont acheté un premier téléviseur. Moi j’étais tout gamin, j’avais 8 ans et on jouait au foot dans la cour de récré. Chacun avait son club préféré, donc à l’époque c’était Rouen, le Paris FC ou le Stade Français. Mais moi je n’avais pas encore de club, et avec cette fameuse télé je suis tombé sur un match de l’AS Monaco, en noir et blanc bien sur. A l’époque il y avait déjà la Diagonale, et à partir de là je me suis dit que j’avais enfin trouvé mon club.
Comment avez-vous démarré cette histoire d’amour avec l’AS Monaco ?
Comme mon père était cheminot, quand il finissait son service le soir, il me ramenait les journaux de sport qu’il trouvait dans les wagons, notamment Football magazine et le journal Miroir-Sprint. J’ai commencé à voir des photos des joueurs de Monaco dessus, et une fois je suis tombé sur l’adresse du Stade Louis-II. Alors comme j’avais des copains qui écrivaient à des joueurs grâce à leurs parents, j’ai demandé aux miens de m’aider à écrire aux joueurs une lettre pour avoir des photos dédicacées d’eux. Deux mois après, j’ai reçu ma première photo, fin 1963. Je me rappelle, c’était une photo de Marcel Artelesa en noir et blanc. Depuis elle traîne toujours sur mon bureau.
Racontez-nous cette époque dorée pour le club…
En 1963 c’était donc l’équipe emmenée par l’emblématique Lucien Leduc qui finit championne de France et vainqueur de la Coupe de France. Le seul doublé de l’histoire du club. On ne pouvait pas trop bouger à l’époque. C’est seulement à 13-14 ans, que mon père m’a laissé partir seul, comme j’avais la gratuité des chemins de fer. Il m’a laissé prendre le train à droite et à gauche pour aller voir jouer l’AS Monaco. A Rouen, à Lille, à Paris. Et il fallait rentrer à l’heure, mais ce n’était pas évident.
Avez-vous une anecdote sur un déplacement qui ne s’est pas passé comme prévu ?
En 1971-1972, l’AS Monaco est en barrages pour monter en Division 1. Mon père m’a laissé partir à Boulogne-sur-Mer pour voir le match aller. Il m’a dit qu’il y avait un train retour à 20h15. Mais manque de chance, le train ne circulait pas le vendredi. A 14 ans ça fait drôle de se retrouver dans cette situation, car à l’époque il n’y avait pas de portable, il n’y avait rien pour communiquer. Du coup j’ai fait du stop avec des soldats qui s’habillaient dans un bar pour pouvoir rentrer chez eux. Et comme je voyais qu’il y avait des voitures qui s’arrêtaient, j’ai fait du stop avec eux. On m’a pris 2-3 fois, puis j’ai traîné une partie de la nuit dans les villages. Je suis finalement rentré chez moi à 8h du matin. Mes parents étaient très inquiets parce qu’ils pensaient vraiment que j’étais parti. Mais j’étais content, j’avais vu l’AS Monaco en vrai.
Vous commenciez à vous déplacer un peu partout…
Je me suis même retrouvé à Chaumont une fois en 1972. Il faisait froid, il pleuvait, mais je faisais quand même le déplacement et j’allais voir les joueurs à la sortie des vestiaires. Certains me regardaient avec des yeux écarquillés en disant : « C’est pas possible, il sort d’où ce supporter tout seul dans la tribune? ». Il y avait des joueurs comme Arnaud Dos Santos, Georges Polny ou encore Jean Petit, qui débutait sa carrière à l’AS Monaco.
Et par tous les temps !
Je me rappelle d’un 32e de finale de Coupe de France à Abbeville entre Amiens et l’AS Monaco sous la neige où j’étais tellement frigorifié que c’est Marcel Dib qui est venu me chercher pour me mettre au chaud dans les vestiaires. C’était incroyable. A chaque fois il y avait un joueur qui me donnait un short, un maillot. Quand Emmanuel Petit a quitté le club, il m’a offert son maillot avant de partir.
Avez-vous noué des relations avec certains joueurs ?
Je me suis lié d’amitié avec certains, oui. Par exemple André Guesdon, qui est malheureusement décédé récemment, avait pris mon adresse et on s’écrivait. On se voyait lors des matchs, et puis de temps en temps il m’envoyait un colis avec un short. C’était super sympa. Et moi je stockais tout chez moi, et à force de stocker, j’ai fait un petit musée de l’AS Monaco, avec tout ce que j’ai pu obtenir des joueurs. J’ai du courrier de plusieurs entraîneurs, j’ai encore une lettre de Lucien Leduc qui m’avait envoyé ses vœux, j’ai une collection incroyable. En tout j’ai plus de 4000 photos dédicacées de toutes les époques de l’AS Monaco. Ça a commencé avec Rubén Bravo dans les années 70 à Lucien Leduc en passant par Lucien Muller ou encore Arsène Wenger.
A l’époque, y’avait-il une plus grande proximité avec les joueurs et l’entraîneur ?
C’est certain. Un jour, j’allais voir les joueurs la veille d’un match à Lens ou à Lille et à force de me voir, Arsène Wenger me disait : « Allez rentre à l’hôtel, je t’offre un petit café ». C’étaient des moments incroyables. Et maintenant à chaque fois que je me déplace, je cherche toujours s’il n’y a pas un ancien de l’AS Monaco. Dernièrement je suis tombé sur Luc Sonor et sur Emmanuel Petit qui m’a fait une accolade quand il m’a vu.
Vous étiez un peu comme la mascotte du club, avant Bouba ?
A force de croiser les joueurs, comme j’étais toujours tout seul dans les tribunes, car il n’y avait pas de parcage à l’époque, un lien se tissait entre nous. Les premiers supporters sont arrivés plus tard, dans les années 80. J’avais l’impression d’avoir fait des petits (rire). Les premiers groupes de supporters se sont formés comme nous dans le nord, il y en a trois. Il y a la section de Calais, les 62-59, dans l’Oise il y a les Monégasques 60-75 et il y a les Munegu 51 dans la Marne avec qui je fais des déplacements maintenant un peu partout. Ils m’appellent le papi. Parce que quand je leur explique que j’ai tiré des penalties à l’entraînement à l’époque à Saint-Martin de Peille (au-dessus de Monaco, ndlr) avec Delio Onnis, ils me prennent pour un extraterrestre.
Vous en gardez des souvenirs incroyables en tête…
Une fois, j’ai pris le train à la Gare de l’Est à Paris pour aller voir Monaco jouer à Nancy en plein hiver. Comme il y avait une grève d’Air France, je suis tombé sur toute l’équipe de Monaco qui voyageait en train. Ils m’ont gardé avec eux jusqu’à l’arrivée au stade, c’était vraiment sympa. A l’époque il y avait Christian Dalger, José Pastoriza et j’étais comme un fou, c’était un rêve de gosse pour moi. Beaucoup de gens m’ont pris en amitié. Même les présidents, j’ai rencontré M. Jean-Louis Campora et M. Dmitry Rybolovlev. J’essaye de les suivre au plus près, même dans le staff il y avait Bachir (Nehar), qui venait toujours me faire la bise.
Avez-vous visité le centre d’entraînement à l’époque ?
Oui j’ai connu l’ancêtre du centre d’entraînement de La Turbie, avec des cabanons. Et c’est à ce moment-là que j’ai rencontré Jean-Luc Ettori qui n’était pas encore titulaire et qui m’a pris sous son aile. J’ai passé 30 ans avec lui et il m’a fait connaître l’AS Monaco de A à Z. Il est même venu chez moi pendant deux jours pour fêter le centenaire de mon club il y a peu. Rendez-vous compte, j’ai eu mon idole chez moi.
D’autres joueurs vous ont-ils marqué ?
Quand j’ai commencé à recevoir des photos dédicacées, ça a démarré avec Yvon Douis en noir et blanc. Delio Onnis, Glenn Hoddle sont aussi des joueurs que je ne peux pas oublier, même Kylian Mbappé plus récemment ou encore Thierry Henry.
Y a-t-il un match en particulier qui vous a marqué en 57 ans de supportérisme ?
J’ai vraiment été marqué par la finale de Ligue des Champions à Gelsenkirchen en 2004 avec la bande à Didier Deschamps. Malgré la défaite j’en garde un souvenir exceptionnel, parce que j’ai fait le déplacement en quart, en demie et en finale. C’était génial. J’ai bombé le torse vis-à-vis de tous ceux qui critiquaient Monaco en disant qu’on n’avait pas de supporters alors qu’à Gelsenkirchen on avait une tribune à nous tout seuls. Ça c’est un souvenir qui restera à jamais dans mon cœur.
D’autres vous restent-ils en mémoire ?
Il y a un autre match qui m’a marqué, oui. C’est la victoire en finale de Coupe de France face à Marseille en 1991. On gagne sur un but de Gérald Passi à la 90e minute, et après le match l’équipe m’a accueilli et Jean-Luc Ettori m’a mis le trophée dans les mains. Donc j’ai une photo avec la Coupe de France dans les mains avec Jean-Luc Ettori. C’est un grand souvenir. Je suis d’autant plus fier car je ne suis plus tout seul dans les tribunes comme il y a 50 ans. Maintenant quand je rencontre des jeunes supporters de l’AS Monaco qui viennent avec leurs parents, je n’ai qu’une envie c’est de les prendre par la main et de les amener à la sortie des vestiaires pour qu’ils ressentent la même émotion que je ressentais à l’époque à leur âge.
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