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Les grands entretiens 15 septembre 2023, 08:43

Luc Sonor : "Monaco, c’est mon club, c’est ma vie"

Luc Sonor : "Monaco, c’est mon club, c’est ma vie"
Présent lors du choc face à l’OM en 2021-2022, l'ancien défenseur central, auteur de 315 matchs avec la Diagonale et lieutenant d’Arsène Wenger avait pris le temps d’évoquer ses souvenirs en Principauté.

C’est une époque que les supporters rouge et blanc de la génération Z n’ont évidemment pas connu. Pourtant, Luc Sonor, arrivé en 1986 à l’AS Monaco en provenance du FC Metz, a été un cadre de l’équipe d’Arsène Wenger (1987-1994). Fort d’une belle expérience avec le club lorrain avec qui il grandira pendant sept ans, le natif de Basse-Terre s’impose rapidement comme un homme clé de la défense monégasque.

Huitième joueur le plus capé de l’histoire du club

Au point d’être un des principaux artisans du cinquième titre de champion de France de l’AS Monaco en 1988, pour la première saison du technicien alsacien sur le banc des Rouge et Blanc. Entretemps, il est appelé en équipe de France avec qui il totalise 9 sélections. En tout, Luc Sonor dispute 315 matchs avec le club du Rocher (5 buts) durant neuf saisons, ce qui en fait le 8e joueur le plus capé de l’histoire de l’AS Monaco.

En marge du 100e choc en Ligue 1 choc entre l’AS Monaco et l’Olympique de Marseille en 2021-2022, l’ancien défenseur central des Rouge et Blanc avait pris le temps de se remémorer son passage en Principauté. Retour sur cet entretien. Extraits.

Bonjour Luc. Quel effet ça vous fait de revenir ici au Stade Louis-II ?

Je dis toujours qu’à chaque fois que je viens ici, c’est comme si je rentrais de vacances et que je retrouvais ma maison. C’est mon club, c’est ma vie. J’aime ce club du plus profond de mon âme. Donc dès que j’ai l’occasion de venir les voir jouer, je suis le plus heureux des hommes.

D’autant que vous avez vécu des choses exceptionnelles à Monaco tout au long des 315 matchs que vous avez disputés…

Oh oui ! Il y a des matchs qui m’ont marqué à vie. Je peux parler de la Roma, de Feyenoord, qui sont les matchs qui nous ont porté au plus haut de la coupe d’Europe, puisqu’on a quand même fait une finale de C2, ce n’est pas rien. Je crois que c’est surtout ça qui fait qu’on est fiers. Car quand on arrive à Monaco, les gens nous donnent l’impression que c’est un petit territoire, qu’il n’y a pas les arguments pour faire une finale de coupe d’Europe… et on l’a fait deux fois ! Ça prouve tout simplement que c’est grandiose ici, et que les gens le méritent surtout.

Un jour, Arsène Wenger m'appelle et me dit : "Va à Monaco, je te rejoins dans un an". Mais comment croire un mec qui est en train de descendre avec Nancy ? (sourire) Eh bien je l’ai cru, j’ai accepté de venir à Monaco, et je crois que c’est la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie.
Luc SonorA propos de son arrivée

En quoi est-ce si spécial de défendre les couleurs de l’AS Monaco ?

Moi je viens de la Guadeloupe, et là-bas on parle beaucoup du PSG, de l’OM. Mais je vais vous dire, la Principauté de Monaco c’est plus petit, mais c’est là où on prend le plus de plaisir. Nous on jouait pour la famille princière. La première chose que l’on regardait en arrivant sur la pelouse, c’était de voir si le Prince Rainier-III , le Prince Albert-II et les filles étaient là. Comment oublier un club comme ça ? J’ai passé 10 ans de ma vie ici, c’est le summum pour moi.

Parlez-nous d’Arsène Wenger…

J’ai une anecdote au sujet d’Arsène. Quand je gagne la Coupe de France en 1984 avec le FC Metz contre l’AS Monaco, c’est là que le club commence à vouloir me recruter. Mais il y avait de la concurrence, le Racing Club de Paris et le PSG étaient là. Mon père me dit : « Je ne veux pas que tu signes à Paris. Tu es un Antillais, tu vas trop faire la fête ». Le lendemain, Arsène Wenger m’appelle.

Il était alors entraîneur à Nancy, qui descendait en deuxième division. Il me dit : « Va à Monaco, je te rejoins dans un an ». Mais comment croire un mec qui est en train de descendre avec Nancy ? (sourire) Eh bien je l’ai cru, j’ai accepté de venir à Monaco, et je crois que c’est la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie. Il m’avait aussi dit : « Je ferai de toi un international, tu verras on aura une grosse équipe ». C’est exactement ce qu’il s’est passé. Donc respect à vie pour cet homme, pour ce club, et pour M. Campora évidemment.

C’est à cette époque que Monaco devient une référence en Europe. Quels souvenirs gardez-vous de cela ?

On a commencé à nous respecter dans tous les stades, à commencer par la France. Partout où on allait, on était « les petits princes ». Il y avait un maximum de jalousie aussi. Je crois que des garçons comme Patrick Battiston, qui avait gagné l’Euro en France en 1984, et que j’avais déjà connu à Metz, ont fait grandir ce club. Quand je l’ai vu arriver à Monaco, je lui ai dit : « Patrick tu vas nous faire gagner ». Glenn Hoddle aussi, un des plus grands joueurs que j’ai vu et avec qui j’ai joué durant ma carrière. Mark Hateley, qui arrivait avec cette hargne, qui faisait que tu ne pouvais pas refuser d’aller au combat. Quand on a ces gens-là autour de soi, c’est là qu’on progresse, et ils nous ont fait un bien énorme. Respect pour ces grands messieurs.

Moi quand j’arrive de Metz, j’avais gagné la petite Coupe de France, même si on avait quand même éliminé Barcelone en coupe d’Europe, mais j’étais très timide. Et là, je m'assois dans le vestiaire à La Turbie à côté de mon idole, Manu Amoros. J’avais les yeux écarquillés. J’ai vécu dans le rêve durant toutes mes années monégasques.
Luc Sonor

D’autres joueurs vous ont-ils particulièrement marqué ?

Moi quand j’arrive de Metz, j’avais gagné la petite Coupe de France, même si on avait quand même éliminé Barcelone en coupe d’Europe, mais j’étais très timide. Et là, je m’assois dans le vestiaire à La Turbie à côté de mon idole, Manu Amoros. J’avais les yeux écarquillés. J’ai vécu dans le rêve durant toutes mes années monégasques. Parce que chaque année on nous ramenait un joueur exceptionnel. On a eu Enzo Scifo ! Rui Barros, avec qui je suis toujours en contact aujourd’hui. Youri Djorkaeff, même s’il a eu du mal au départ. Mais regardez ce qu’il a fait après avec l’équipe de France. Et je ne parle pas des Manu Petit, Lilian Thuram, George Weah. On parle quand même du seul Ballon d’Or africain, c’est quelque chose. Et c’était chez nous !

Il y avait aussi des hommes de l’ombre…

Oui bien sûr, d’autres joueurs extraordinaires dont on parle moins. Gérald Passi par exemple, qui marque en finale de Coupe de France en 1991 sur une passe de Ramon Diaz. Ils étaient tous les deux remplaçants et ce sont eux qui nous font gagner. Encore une fois l’œil d’Arsène Wenger. Même Marcel Dib et Claude Puel, on avait la chance d’avoir deux phénomènes au milieu devant nous. On pouvait dormir tranquille. Et comment ne pas parler de Jean-Luc Ettori. Quel honneur d’avoir connu cet homme ! J’ai rencontré tout à l’heure (à l’occasion du match AS Monaco – OM, ndlr) Jeannot Petit. J’ai un grand respect pour ces hommes. A ne jamais effacer de l’histoire de ce club. Nous ne sommes rien à côté de ces gars-là.

De grands joueurs qui étaient synonymes de beau jeu.

Quand vous arrivez à Monaco, il faut trouver un moyen de faire venir les gens au stade. Et je pense que la chance qu’a eu le Club, c’est d’avoir à chaque fois de très bons entraîneurs. Il y a eu Lucien Muller, que je n’ai pas connu mais qui était là avant mon arrivée, mais aussi Gérard Banide, Arsène Wenger, Jean Tigana, Claude Puel. Je disais d’ailleurs à Jean-Luc Ettori récemment, qui vient parfois aux Antilles dans mon académie de foot pour s’occuper des gardiens : « Tu te rends compte quand même ‘Tonton’ de tout ce que tu as connu? Toi tout seul, tu es l’histoire du club! ». J’aurais voulu vivre ce qu’il a vécu, ce qu’il a représenté pour l’AS Monaco. Claude et Jean-Luc ont tout connu ici.

Manu Petit me le disait encore récemment : "Luc c’est quand même incroyable Monaco, c’est vraiment un club particulier". L’histoire de l’AS Monaco, elle est là. Quand on quitte ce club, il est impossible d’oublier ce qu’on a vécu. C’est une famille !
Luc Sonor

Vous gardez donc des liens forts avec vos anciens coéquipiers ?

On parle souvent des résultats. Mais ce qui est le plus marquant, c’est qu’on s’aimait tous. Ce qui me fait dire ça, c’est qu’à ce jour, nous sommes toujours en contact. Manu Petit me le disait encore récemment : « Luc c’est quand même incroyable Monaco, c’est vraiment un club particulier ». L’histoire de l’AS Monaco, elle est là. Quand on quitte ce club, il est impossible d’oublier ce qu’on a vécu. C’est une famille ! Et cela n’a rien avoir avec le cadre de vie. Il n’y a pas que les joueurs, il y a aussi un entourage. On peut dire ce qu’on veut, c’est un club à part, qui avance constamment et qui n’oublie pas ceux qui l’ont construit.