Franck : "C’était une vraie fête de famille"
C’est une époque que les plus jeunes ne peuvent pas connaître. Une époque sans image, une époque où l’imaginaire doit prendre le pas sur la réalité. « Mes souvenirs sont un peu vagues, raconte Franck, 49 ans. Mais ce qui est certain, c’est qu’à l’époque, on suivait les matchs de manière tout à fait différente par rapport à aujourd’hui. Ils n’étaient pas retransmis alors j’écoutais la radio ». C’est donc en tant qu’auditeur que ce supporter, Auvergnat de naissance, a grandi. Sans avoir idée de la réalité visuelle des buts inscrits, mais en attendant « les comptes-rendus du journal L’Equipe ».
Désormais cadre de la fonction publique à Rennes, Franck est « tombé dedans » en 1982, lorsqu’il avait 11 ans. « C’était l’année du titre de l’AS Monaco et de la Coupe du Monde, avec la génération de Jean-Luc Ettori, qui était titulaire dans les buts des Bleus lors du Mondial. » Mais pourquoi avoir choisi l’AS Monaco ? « C’est difficile avec l’ancienneté de mes souvenirs, répond Franck. Les résultats de cette période-là ont compté, c’est une évidence. Je pense aussi que le maillot, très particulier par rapport à d’autres, et le fait que ce club-là maintienne la fameuse Diagonale quoi qu’il arrive, a beaucoup joué également à ce moment-là. »
Lorsqu’il parle des résultats qui ont comptés, Franck fait de nouveau appel à sa mémoire pour se souvenir de sa première année de supporter et ce « titre un peu particulier qui se joue dans les dernières secondes », ce « titre de l’enfance » qui l’a marqué. « Je crois que c’est un titre que l’on glane à la différence de buts, si ma mémoire est bonne. Bordeaux ou Saint-Etienne nous talonne et on doit absolument gagner pour être titré », se souvient Franck. Recontextualisation : au soir de la 37e journée de la saison 1981/1982, l’AS Monaco est leader, avec un point d’avance sur l’ASSE. Tout se joue alors au moment du multiplex (audio) du 7 mai 1982.
« Je pense que l’on gagne, soit 1-0, soit 2-1. Avec un nul, il me semble que l’on terminait deuxième ». Une nouvelle fois, les souvenirs de Franck sont bons : l’AS Monaco s’impose 1-0 contre Strasbourg grâce à un but d’Umberto Arberis à l’heure de jeu. Mais pendant de longues minutes, Saint-Etienne était repassé en tête du classement. En menant 4-1 à la mi-temps (9-2 score final), les Verts ont ainsi mis la pression toute la soirée à Franck, qui voyait les minutes défiler lentement. « Vivre ça à la radio, c’était différent d’aujourd’hui, car nous n’avions pas d’images, et nous ne pouvions pas anticiper les choses. Nous étions aussi dépendants des prises d’antenne sur les stades. C’était vraiment particulier… »
La télévision est ensuite arrivée et celui qui dit posséder « beaucoup trop de maillots du Club » dont certains qu’il n’a jamais portés, avoue que cela a « changé la façon de supporter ». De nombreux joueurs sont passés et certains l’ont davantage marqué, depuis qu’il a commencé à voir une « quantité industrielle de matchs » de l’AS Monaco, à la télévision, au Louis-II ou dans les différents stades de France. « C’est vrai que lorsque j’échange avec certains supporters du Club, nous avons des références en termes de joueurs qui sont parfois différentes ». Son idole à lui se nomme Glenn Hoddle, meneur de jeu Anglais gaucher passé par le Rocher entre 1987 et 1991. « Il y avait deux joueurs britanniques, lui et l’attaquant Mark Hateley. Mais Glenn Hoddle, est le joueur qui représente le mieux notre club pour moi. Techniquement, c’était un joueur merveilleux, avec un état d’esprit toujours irréprochable. Pour les gens du même âge que moi, ce n’est certes pas la plus grande star ayant porté le maillot, mais c’est vraiment celui qui m’a le plus marqué. »
Plus récemment, d’autres évènements ont marqué l’histoire de supporter de Franck. « Le soir de 2011 où l’on est descendu, j’ai récupéré un poids énorme sur la tête. On n’y était clairement pas préparé, ça ne me venait même pas à l’idée qu’un jour on puisse tomber en Ligue 2. On n’est jamais à l’abri, mais l’envisager intellectuellement et le vivre sont deux choses différentes et ça a été très compliqué. Ça a été une période difficile, surtout la première moitié de la saison en Ligue 2 où l’on se disait que l’on allait complètement plonger. La saison d’après a été chouette, car c’était sympa d’aller dans les parcages à ce moment-là. On avait l’effectif pour dominer et on a dominé, avec Claudio Ranieri, un coach que j’appréciais beaucoup. Il fait aimer la culture italienne du football mais je trouvais qu’il s’y était pris de la bonne manière pour atteindre l’objectif du titre de champion. »
Se déplacer dans les parcages, justement. Même s’il avoue que « le mieux reste quand même d’être au Louis-II, d’avoir ce sentiment d’appartenance » (Franck essaie d’y venir au moins une fois par saison, et reconnaît « programmer ses retours en Auvergne parfois en fonction des matchs de l’AS Monaco à domicile »), l’un de ses meilleurs souvenirs au stade est à l’extérieur. C’était dans l’enceinte du Stade Malherbe Caen, le stade Michel d’Ornano. « Le petit Moussa Sylla marque un doublé et cela nous sauve un peu car je craignais une fin de saison un peu délicate », se remémore Franck. Ce match de mai 2018 intervenait un an après le huitième titre de champion de France de l’AS Monaco, un sacre « complètement inespéré » devenu « logique au fil du temps, avec des périodes de jeu fabuleuses ».
Un titre qui avait été fêté à… Rennes, lors de la 38e et dernière journée. « Le fait qu’on ait acquis cette première place quelques jours avant contre Saint-Etienne était bien, car nous n’avions pas de stress, se rappelle Franck. C’était la fête, et malgré une équipe remaniée, on avait gagné. C’était que du bonheur. Le parcage était blindé, c’était une vraie fête de famille. En plus, pour nous qui avons un club de supporter ici, c’était superbe. » Malheureusement, Franck et son groupe Munegu da Viken ne pourront pas être en parcage ce samedi, même s’ils vont essayer de se rassembler entre eux devant la télévision. Mais la radio, alors ? « Je n’en suis absolument pas nostalgique, répond-il en riant. C’est maintenant un vrai confort de voir tous les matchs et je ne pourrais pas vivre autrement. »
Voici résumée l’histoire de supporter asémiste de Franck. Et de Franck, uniquement… car ce n’est pas avec sa famille proche qu’il a pu vivre ces différents moments d’émotion. « J’ai deux fils, mais comme je suis un très mauvais éducateur, j’ai été trop permissif, raconte Franck le sourire aux lèvres. Aucun des deux n’est supporter de l’AS Monaco, je les ai très mal éduqués. Peut-être que c’était pour être en opposition à leur père (rires)… A mon grand regret, je pensais que j’arriverais à les changer de camp, mais ça n’est pas arrivé. » Si Franck ne pourra donc pas compter sur ses fils pour supporter l’AS Monaco à Rennes ce week-end, nul doute que sa voix à lui, ainsi que celle du Munegu da Viken, continuera de résonner Partout, Toujours.