Feyenoord, George Weah, la finale de C2… Les souvenirs de Jérôme Gnako
Il était des grands débuts du club de la Principauté en coupe d’Europe ! Arrivé à l’AS Monaco en 1991 juste après la victoire en Coupe de France, Jérôme Gnako va connaître en trois ans la finale de C2 face au Werder Brême et la demie de Ligue des Champions contre le grand AC Milan. Une ascension fulgurante à l’époque, comme celle de sa carrière aux côtés de légendes comme George Weah. Rencontre avec celui qui est retourné depuis dans sa ville natale, à Bordeaux. Interview. 🎙
Bonjour Jérôme. Tout d’abord, donnez-nous de vos nouvelles…
Tout va très bien, je suis sur Bordeaux, ma ville de naissance, là où j’ai grandi. Je me suis ré-installé ici à la fin des années 90, quand j’ai arrêté ma carrière. Aujourd’hui je suis responsable de l’école de foot au Stade Bordelais, club de National 2, et je m’implique également sur la partie seniors. J’essaye de le structurer, même s’il est plus vieux que l’AS Monaco, puisque nous approchons les 125 d’existence. C’est un club historique de Bordeaux, qui est un peu en difficulté mais où il y a pleins de projets intéressants.
𝐏𝐫𝐨𝐜𝐡𝐚𝐢𝐧 𝐦𝐚𝐭𝐜𝐡 [𝐍𝐀𝐓𝐈𝐎𝐍𝐀𝐋 𝟐]📅Samedi 06 Mai à 19h00
🏟️Stade Sainte-Germaine (33110 Le Bouscat)
🆚@TrelissacFC
🗓 27ème journée de championnat#LeClubBordelais⚫⚪ #SBF #stadebordelaisfootball pic.twitter.com/0kEfNlxVxT— Stade Bordelais Football (@StadeBordelaisF) May 3, 2023
On va faire un saut dans le passé. Racontez-nous votre arrivée en Principauté !
D’abord j’ai fait toute ma formation à Bordeaux à la fin des années 80, quand les Girondins étaient le club phare du championnat, avec beaucoup d’internationaux. Donc c’était difficile pour les jeunes comme moi de gagner leur place dans le groupe. J’ai donc signé mon premier contrat pro à Angers finalement en deuxième division. Et au bout de deux ans, plusieurs clubs de D1 me suivaient.
Au début, je me suis mis d’accord avec le FC Nantes, et puis l’AS Monaco est arrivé au dernier moment, car Franck Sauzée, qui venait de gagner la Coupe de France en 1991, était sur le départ. Ma signature est finalement intervenue la veille du lancement de la saison, puisque Franck est retourné à Marseille, alors que j’avais fait la préparation avec Angers.
Comment s’est passée votre arrivée dans le groupe ?
Je suis arrivé par la petite porte, car personne ne me connaissait à l’époque, c’était en juin 1991. Le Club sortait d’une belle saison avec la Coupe de France, et il y avait un bel effectif qui a commencé par une série de plusieurs victoires. Donc j’ai commencé par tester un peu la réserve (sourire) ! Ça m’a rappelé des souvenirs du centre à Bordeaux. Mais je savais que c’était un défi à relever, de rentrer dans un tel groupe avec autant d’internationaux.
A quel moment s’est fait le déclic ?
Avec mon expérience des Girondins et de la deuxième division, j’ai petit à petit fait quelques piges avec l’équipe une. Et un jour on se déplace à Nancy, et on gagne 4-1 ! A partir de là, je ne suis plus trop sorti de l’équipe durant mes trois années au Club. En tout cas sur cette première année, j’ai vraiment le souvenir de cette première titularisation où ça a finalement décollé pour moi.
Quel type d’entraîneur était Arsène Wenger, qui venait justement de Nancy ?
Quelqu’un de très rigoureux, déjà de par son physique, qui en imposait. Il dégageait un peu de dureté de prime abord. Mais ce que je retiens, c’est qu’il était assez droit et juste, ce qui est important quand on gère des adultes. Tout le monde a besoin d’être considéré, pour pouvoir défendre sa chance.
Et c’est ce que j’ai ressenti chez lui, il se basait sur ce qu’il voyait et n’hésitait pas à faire appel à quelqu’un de moins connu mais qui se montrait à l’entraînement. Il avait une analyse assez objective. C’est pour ça qu’il est réputé pour avoir pris des risques en lançant pas mal de jeunes. C’est rare de nos jours, où les entraîneurs ont plutôt tendance à ne pas se mettre en danger. C’est quelqu’un qui était prêt à imposer ses convictions.
Parmi ces jeunes, un a éclaté à Monaco, c’est George Weah ! Fait-il partie de ceux qui vous ont le plus impressionnés ?
Bien sûr, surtout que l’année où j’arrive c’est celle où il explose, en 1991-1992 ! Les années précédentes on savait qu’il y avait un gros potentiel, mais c’est vraiment à ce moment qu’il s’est révélé. D’ailleurs je n’ai joué qu’un an avec lui, car ensuite il est parti au PSG. Sur le début de saison il était hors normes, en termes de vitesse, de puissance… il avait tout !
En tant qu’attaquant à cette époque, il allait plus haut que tout le monde, il sautait plus haut. Techniquement au début c’était plus compliqué, mais ensuite tout s’est mis dans l’ordre et on connaît la suite.
D’autres joueurs vous ont-ils marqué ?
C’est vrai qu’en débutant ma carrière avec Alain Giresse et Jean Tigana à Bordeaux, j’ai rapidement connu de très beaux joueurs. Je m’entraînais tous les jours avec des champions d’Europe 1984. Mais ensuite j’ai continué à côtoyer des grands joueurs à Monaco, dont George Weah. Après il y a eu Lilian Thuram, qui a explosé l’année d’après, avec de grandes qualités athlétiques. Il y avait aussi Gérald Passi, qui était un très bon joueur. Ensuite j’avais un grand respect pour Jean-Luc Ettori.
A-t-il été important dans votre adaptation ?
Oui certainement ! Ce que je retiens d’ailleurs de mes trois années passées à Monaco, c’est la bienveillance d’un petit groupe d’anciens qui arrivait à maintenir un haut niveau de par leurs valeurs de joueurs mais aussi humaines. Jean-Luc Ettori en tête, mais aussi Claude Puel, Luc Sonor, Marcel Dib. On sentait qu’il y avait un socle solide sur lequel le coach s’appuyait. C’est ça qui m’a plu.
Vous avez également vécu une finale de Coupe des Coupes…
Oui, c’était le lendemain du drame de Furiani, une journée « fantomatique » je dirais. C’est un de mes pires souvenirs de footballeur. Tu dois jouer une finale de Coupe d’Europe alors qu’il s’est passé une catastrophe la veille. Tout le monde était en train de prendre des nouvelles de ce qui s’était passé, car nous n’avions rien vu. Beaucoup de joueurs comme Jean-Luc, Marcel étaient de Corse ou de Marseille et voulaient savoir ce qu’il en était. Donc on a joué la finale comme des fantômes !
En ce 5 mai, nous adressons toutes nos pensées aux victimes de la catastrophe de Furiani et à leurs proches.@Collectif5mai92 🖤 pic.twitter.com/DhvPRwrJCs
— AS Monaco 🇲🇨 (@AS_Monaco) May 5, 2023
Est-ce un regret de ne pas avoir lutté à armes égales ?
J’ai clairement l’impression d’avoir disputé un match amical, il n’y avait personne dans les tribunes. Quand on est gamin est qu’on pense à une finale européenne, on s’imagine clairement autre chose. On a joué ce match comme si c’était à l’extérieur, dans une ambiance bizarre. Nous étions complètement à côté. Donc oui c’est un très gros regret, car à l’époque aucune équipe française n’en avait encore remporté, même si ce n’était pas la plus prestigieuse.
D’autant que nous avions fait un super parcours, et que nous nous étions qualifiés à l’extérieur à Feyenoord. Pour nous c’était un aboutissement. C’était la seule finale de ma carrière ! Sur le coup on relativise avec le drame qui s’est déroulé la veille, mais ça reste une déception.
Deux ans plus tard, vous vous hissez en demi-finale de Ligue des Champions. Que retenez-vous de cet autre parcours ?
Nous nous sommes retrouvés dans le dernier carré, car à l’époque les deux premiers de la phase de poules étaient qualifiés pour les demi-finales. La qualif’ avait été difficile, mais pour moi, malgré la défaite, ça reste un bon souvenir d’avoir joué le grand AC Milan. Pour le coup nous jouions devant 90.000 personnes, donc ça ressemblait plus à un grand rendez-vous européen.
Ça avait bien commencé, car ils prennent un carton rouge assez vite avec Costacurta. Mais même à onze contre dix, nous n’avons pas réussi à rivaliser. C’est Marcel Desailly qui ouvre le score de la tête, et malheureusement nous n’avons jamais réussi à nous mettre dedans. Ils étaient au-dessus de nous et d’ailleurs ils surclassent Barcelone en finale derrière (4-0).
Quel est votre meilleur souvenir à l’AS Monaco avec le recul ?
Ma deuxième saison était globalement très aboutie, puisque j’étais devenu un cadre de l’équipe. J’ai également connu deux sélections en Équipe de France. Il y a ce match contre Marseille où je marque le seul but du match sur penalty à domicile en championnat (1-0 le 25 février 1993). Il y a aussi une rencontre face au PSG où je marque de la tête en décembre 1991 (succès 1-0), dont je garde un bon souvenir.
Et puis il y a la qualification à Feyenoord justement, dans une ambiance énorme là-bas. Au bout d’un quart d’heure on menait 2-0 donc on avait un peu éteint le stade, mais ils reviennent à 2-2, donc c’était épique ! Surtout qu’on va en finale de C2.
Êtes-vous toujours en contact avec vos coéquipiers de l’époque ?
J’ai eu quelques fois au téléphone Luc Sonor récemment. J’ai croisé Marcel Dib il y a deux ans sur sa plage à Saint-Cyr-sur-Mer. Et puis j’ai croisé également Amara Simba il n’y a pas si longtemps à Bordeaux, car il est venu faire un match avec son association. Je suis un peu dans mon petit coin ici (sourire).
Vous avez évoqué les Bleus. Ça reste une grande fierté d’avoir porté les couleurs de son pays ?
C’est certain que quand vous avez une sélection en Équipe de France, ce n’est pas un aboutissement, mais ça reste une belle récompense, la validation d’un bon niveau. Même si la période à laquelle j’y ai été n’était pas la meilleure. Cela ne se passait pas très bien entre Marseillais et Parisiens, donc les rassemblements n’étaient pas des plus sympathiques.
Passer une semaine dans la forêt avec des gens qui ne s’aiment pas (rires)… D’ailleurs on l’a vu à l’arrivée avec les éliminatoires de 1994. Le climat était lourd. J’étais juste avec Christian Perez de Monaco pour ma première cape. Donc malgré la joie d’être appelé, c’était curieux, même si ça reste un bon souvenir.
Pour terminer, pourquoi l’AS Monaco est un club aussi spécial selon vous ?
Spécial, dans le sens où Monaco évoque pleins de choses à tout le monde, c’est un rêve. Cela va au-delà du football. C’est un club qui a son identité bien ancrée, et c’est peut-être parce qu’il était si spécial que j’ai décidé de signer à Monaco plutôt qu’à Nantes. C’est un joyau ! Ça représente beaucoup de choses. Je crois qu’il y a beaucoup de joueurs qui sont passés qui l’ont ressenti. C’est plus facile d’aller de Sochaux à Monaco, et pourtant moi j’ai fait l’inverse (rires) !
La notion de rêve, on la retrouve dans le jeu que les équipes successives ont essayé de produire sur le terrain…
Oui tout à fait. C’est un peu comme Nantes qui prônait également à l’époque un football léché, technique. C’est parti de la génération de Jean Petit, Albert Emon, dans laquelle il y avait de très beaux footballeurs. C’est un club qui attire les bons joueurs, et automatiquement on a vu venir des Glenn Hoddle, Dominique Bijotat, Manu Amoros… De très grands qui ont marqué le foot français et le foot international. L’AS Monaco, c’est lié à vie au beau jeu !
Crédits photos : Icon Sport