Expérience, format… Entretien croisé avec le duo Traoré - Barilaro
Ils vont faire briller la formation monégasque à l’échelle continentale ! Alors que l’AS Monaco s’apprête à disputer la Youth League pour la première fois depuis six ans, les entraîneurs du Groupe et Elite et des U19, qui formeront un tandem pour l’occasion, ont pris le temps d’évoquer la compétition. Avant le coup d’envoi face à Barcelone ce jeudi au Centre de Performance (15h), rencontre avec Djimi Traoré et Frédéric Barilaro. Entretien croisé 🎙️
Bonjour messieurs. Pour commencer Frédéric, que vous évoque la Youth League, que vous avez déjà disputé à quatre reprises ?
Frédéric Barilaro : Déjà, c’est une compétition que nous avons la chance de jouer lorsque l’AS Monaco se qualifie pour la Ligue des Champions. Pour les jeunes c’est une super expérience, qui permet de voir et de se confronter à d’autres façons de jouer au football. Et puis pour ceux qui arrivent à se révéler à ce niveau-là, c’est quand même intéressant pour la suite.
On a eu des exemples ici, avec Benoît Badiashile, Kephren Thuram ou encore Irvin Cardona. Je me souviens même que Kylian Mbappé l’avait joué très jeune contre le Zenith Saint-Pétersbourg. Sans oublier Enzo Millot et Han-Noah Massengo. Si les joueurs sont au niveau dans cette compétition, ils se révèlent, et d’ailleurs ce sont tous des garçons qui jouent au haut niveau maintenant.
Ça rappelle forcément de bons souvenirs pour vous…
FB : Forcément ! Je me rappelle par exemple d’un match contre le Real Madrid au Stade Louis-II où on perd 4-3 après avoir mené 2-0 à la mi-temps. En face il y avait Federico Valverde, Achraf Hakimi, Luca Zidane dans les buts. Ce sont des matchs qui marquent ! Je me souviens aussi d’un match contre Chelsea où il y avait Conor Gallagher et l’actuel défenseur central de l’AC Milan, Fikayo Tomori. Bref on affronte toujours des joueurs que l’on retrouve ensuite au plus haut niveau.
Comment abordez-vous cette édition 2024-2025 ?
Djimi Traoré : Déjà nous sommes très heureux de disputer cette Youth League et de représenter l’AS Monaco, la Principauté et la formation française ! C’est une très belle opportunité pour nous de montrer le bon travail qui a été fait au Club depuis de nombreuses années pour développer des joueurs de l’Academy. Avec Manu Dos Santos et les U17, Frédéric Barilaro avec les U19 et Damien Perrinelle avec le Groupe Elite. Je crois qu’il faut englober le tout, car le groupe est très élargi, ce sont tous les jeunes du centre de formation qui vont participer, parmi les 39 joueurs que nous avons inscrits. C’est une opportunité pour tout le monde d’être associé à cette aventure.
Qu’est-ce que cela vous fait d’être de retour à l’AS Monaco justement ?
DT : Je suis très content d’avoir pris cette voie-là, en passant de joueur à entraîneur. Je savais que je voulais devenir formateur depuis le début, faire progresser les jeunes et les amener au plus haut niveau. Pour cela, il fallait passer des étapes jusqu’ici à Monaco, où du très bon boulot a été fait au niveau de la formation. A moi de ramener ma propre expérience et ma vision du football, pour pouvoir hisser des joueurs jusqu’à l’équipe première, ce qui est la stratégie du Club. C’est un très bon challenge, et je suis très heureux d’être ici car tout se passe bien.
Qu’est-ce qui est différent dans ces matchs, par rapport au championnat ou à la Coupe Gambardella ?
FB : Alors déjà ils ont rajeuni la compétition d’un an, puisqu’avant les joueurs avaient un an de plus. Cette année, nous avons le droit à trois joueurs de la génération 2005, donc c’est du niveau international U18-U19. Cela n’a rien à voir avec les matchs nationaux. C’est un niveau au-dessus, et puis c’est la compétition phare chez les jeunes ! Cela m’a toujours marqué, car tu démarres ces rencontres à fond, et tu les finis comme tu peux. Et puis comme ce sont des matchs de jeunes, c’est très ouvert, donc il peut y avoir différents scénarios. Ce qui veut dire qu’il faut être prêts de la 1ère à la 90e minute !
Les matchs de pré-saison face à des équipes européennes vous aident-ils à préparer une telle compétition ?
FB : Cela fait deux ans que le Groupe Elite joue ce genre de rencontres, en effet, contre des équipes étrangères. Ça apporte énormément, même si la Youth League ça reste la compétition ! Jusqu’à présent cela restait des matchs amicaux, alors que là, il y a un vrai enjeu. Et puis il y a un facteur à ne pas négliger, c’est l’arbitrage. Au niveau européen, les arbitres sont très strictes et ils sortent parfois vite les cartons. Donc il faut aussi apprendre à savoir gérer ce paramètre. Le fait de savoir gérer ses émotions, de ne pas discuter, c’est très important. Ils vont découvrir cet aspect, et par expérience, si tu perds tes nerfs, tu peux rapidement te retrouver à dix.
Avez-vous préparé justement vos joueurs à ce contexte particulier ?
FB : Djimi en a forcément parlé avec son groupe. Pour ma part, avec les jeunes, j’attends qu’on se retrouve après le match de championnat, le lundi ou le mardi en général, pour les conditionner. Comme pour les pros, il est important de ne pas être uniquement focus sur ces matchs de Youth League, mais de bien figurer en championnat. Il faut savoir switcher et se mettre dedans rapidement. Si on veut être performants dans cette compétition, il faut l’être d’abord tous les week-ends !
On ne peut pas se permettre de gérer, donc il va falloir le prendre en compte, car il n’y a pas toujours des matchs pour le Groupe Elite. Donc il faut se conditionner pour être prêts à l’instant T. Ensuite, par expérience, les gars sont toujours à 150% en début de compétition, car c’est nouveau. Et je me suis aperçu avec le temps qu’il faut vraiment être présent sur tous les matchs. Au début, tout le monde est dedans, mais il faut durer jusqu’en décembre, pour, pourquoi pas, continuer l’aventure ensuite !
Parlez-nous de ce duo d’entraîneurs que vous allez former.
DT : Pour moi personnellement, de revenir à l’AS Monaco c’est spécial, et Fred fait partie des personnes sur lesquelles je m’appuie au niveau de la formation, car il est très reconnu pour son travail en France. Il suffit de voir les joueurs qu’il a pu sortir de l’Academy pour comprendre. Le fait de l’avoir dans le staff, cela va beaucoup nous aider, que ce soit nous ou bien les joueurs. C’est bien d’avoir une personne comme lui avec cette expérience et cette connaissance des enjeux du football européen. Et comme je n’ai pas d’adjoint, c’est d’autant plus intéressant pour moi de travailler en binôme.
Nous avons la même vision du football, et c’est bien de pouvoir être complémentaires. Chacun a ses qualités à apporter, même si le plus important reste les joueurs, et le fait de créer un environnement où ils vont pouvoir s’épanouir, se développer et jouer des matchs très compétitifs. Car il y aura beaucoup d’attente autour de nous, et on sait que l’AS Monaco est une vitrine. D’autant que si on fait un bon parcours, cela peut donner envie à d’autres jeunes de nous rejoindre.
FB : Je pense que c’est très intéressant d’avoir effectivement deux regards différents. Nous avons déjà fait un déplacement à Rotterdam pour préparer cela. Ensuite Djimi a peut-être plus de recul, car il est avec eux au quotidien. Mais c’est surtout sur le match que c’est intéressant, car Djimi peut voir certaines choses et moi d’autres. Quatre yeux, c’est toujours mieux que deux ! Et comme nos staffs sont assez fournis, je pense que ça ne peut qu’être bénéfique. Nous sommes assez tranquilles là-dessus, ça va fonctionner.
La colonne vertébrale de cette équipe de Youth League va-t-elle ressembler à celle de la Coupe Gambardella 2023 ?
FB : C’est vrai, même si nous avons perdu Ritchy Valme qui est parti en prêt à Annecy, et qui était capitaine à l’époque. Hormis cela, il y a pas mal de joueurs qui ont gagné cette Gambardella et qui ont vécu quelque chose de fort ensemble. C’est important ! Entretemps il y a d’autres joueurs qui ont rejoint le groupe. Je me rappelle que ce noyau s’était créé lors du premier match à Vaulx-en-Velin, et ça nous a menés jusqu’au bout. C’est quelque chose qui se passe entre eux, et il va falloir trouver à nouveau cette osmose rapidement entre ceux qui jouent en-dessous et les plus anciens. Mais je ne me fais pas de souci de ce point de vue.
DT : Il y aura en effet une petite ossature du groupe de Gambardella, mais le football ça va vite. Certains se sont développés très vite depuis, d’autres ont mis plus de temps. En tout cas, on a un groupe homogène, avec des joueurs qui s’entraînent avec les U19, le Groupe Elite, ou bien avec les pros et qui vont redescendre. Le plus important va être de rester fidèles à notre style de jeu, que ce soit à domicile ou à l’extérieur, de jouer avec les mêmes principes et surtout d’être efficaces dans les deux surfaces.
L’intérêt de cette Youth League est aussi de se confronter à plusieurs footballs…
DT : En tant que formateur, j’ai eu l’occasion de rencontrer pas mal d’équipes européennes, qui avaient l’occasion de jouer la Youth League chaque année. Donc ce ne sera pas quelque chose de nouveau, et c’est pour cela que je vais essayer d’apporter mon expérience de ces différentes cultures du football. C’est un gros challenge qui est face à nous, et le but va être encore une fois de mettre les joueurs dans les meilleures conditions. Je suis très excité, car c’est également une nouvelle formule où chaque match compte, donc c’est plus relevé je pense.
Il n’y a pas de petites équipes ! Les gens restent parfois focus sur les grands noms comme Barcelone, mais l’Étoile Rouge de Belgrade par exemple peut former de très bons jeunes et être plus forte qu’en pro’. Et c’est là où nos jeunes vont être confrontés à des challenges intéressants, avec des footballs différents, des stades qui peuvent être pleins avec une atmosphère particulière. C’est là où ils vont pouvoir acquérir une expérience et se préparer à jouer avec le groupe au-dessus.
FB : C’est vrai qu’avec cette nouvelle formule, on va jouer six clubs différents en match sec, avec six manières de jouer au football. C’est encore autre chose par rapport aux confrontations aller-retour. Et ça va commencer avec Barcelone, qui a un style typique, très technique… c’est la Masia ! Je les ai regardés à la vidéo, ils jouent comme les pros, donc il va falloir essayer de leur poser des problèmes. Et puis il faudra être présents, car techniquement c’est une équipe très forte, être patients, mais ne pas les regarder jouer non plus.
En parlant de la préparation, la vidéo a pris de plus en plus de place dans l’approche d’un match depuis vos premières participations dans la compétition…
FB : Je me souviens qu’à l’époque, il s’agissait des seules rencontres que nous préparions à la vidéo, car nous avions les images. Et c’est vrai que c’est intéressant pour nous, comme pour les joueurs, de voir comment l’adversaire évolue. Aujourd’hui, cela fait partie intégrante de la préparation d’un match.
Vous êtes-vous fixés un objectif dans cette Youth League ?
DT : L’objectif je dirais, c’est d’avoir une équipe compétitive, dans laquelle les joueurs ressentent le confort suffisant pour pouvoir s’exprimer. Le but n’est pas de mettre des joueurs en lumière plus que d’autres, mais c’est d’avancer collectivement. Les talents qui vont ressortir le feront naturellement, car ils ont les qualités pour. Maintenant c’est une compétition où il faut être prêts physiquement et mentalement à faire de grosses performances. J’ai confiance en ce groupe et surtout en notre staff, car nous les avons bien préparés ! A eux désormais de répondre aux exigences du haut niveau.
FB : Comme pour toute compétition, il faut prendre les matchs un par un. Ce n’est pas comme en Coupe, où on est sur une élimination directe. C’est un championnat, il y a six matchs, donc il y a forcément moyen de se rattraper si on loupe une rencontre. Et ensuite on verra en fonction de la compétition et des résultats ce que l’on peut espérer.
Votre expérience du plus haut niveau Djimi vous aide-t-elle à conditionner les joueurs justement ?
DT : J’essaye de transmettre mon expérience d’ancien joueur en effet. J’ai eu la chance de faire une carrière et surtout de passer par un centre de formation en passant par toutes les étapes que nos jeunes connaissent aujourd’hui. Je sais ce que c’est, de jouer des matchs à enjeux, d’être sous pression et ambitieux aussi ! C’est important de se fixer des objectifs élevés, comme par exemple jouer un jour avec les pros pour ceux qui sont avec moi au Groupe Elite. Cela passe par de la compétition, et être performants en U19 ou avec la réserve, pour pouvoir prétendre à disputer la Youth League. Nous insistons beaucoup là-dessus avec Fred ! Ce sera un challenge très intéressant, car il y a de la compétition à tous les niveaux.
Savent-ils que vous avez gagné la Ligue des Champions ?
DT : Si vous me connaissez un peu, vous savez que ce n’est pas quelque chose que je mets en avant. Ça fait partie de moi, de mon parcours, et c’est quelque chose dont je suis très fier ! Mais je veux que mes joueurs me connaissent davantage du point de vue de l’entraîneur. Car même si tu as joué à haut niveau, cela ne fait pas de toi un bon coach pour autant. J’essaye de séparer cette image, et je veux qu’on se concentre sur Djimi l’entraîneur. J’essaye de leur apporter au quotidien et de les accompagner. L’important est que chacun trouve sa voie, à l’AS Monaco ou ailleurs, et tant mieux si j’aurais pu leur apporter quelque chose. C’est ce que j’aime le plus dans mon métier en tout cas, les accompagner jusqu’au haut niveau !
Nous parlions tout à l’heure des joueurs passés par l’AS Monaco et qui se sont révélés dans cette compétition. Pensez-vous que certains pourraient suivre leurs pas dans la génération actuelle ?
FB : Ça, on l’espère toujours ! Le but c’est surtout qu’ils jouent chez nous par la suite. Mais même s’ils continuent leur carrière en pro’ ailleurs qu’au club, on aura quand même réussi notre travail. Mais je le répète, c’est le genre de compétitions révélatrices de talents. Je suis impatient de voir le comportement que nos joueurs vont avoir dans cette Youth League, car c’est une vitrine, elle est très médiatisée ! Les matchs sont vus dans toute l’Europe, donc pour eux comme pour nous, c’est important.
Et il sera intéressant de voir ceux qui sont capables de switcher du championnat à la Youth et inversement…
FB : J’ai toujours dit à mes joueurs que le match qui précède ces rencontres européennes est très important, notamment dans l’intensité, car elle est bien supérieure dans cette compétition. Dans la préparation, il faut être à 150%, car si on est à fond sur ces matchs avant, on est forcément prêts pour cette échéance. C’est ça le haut niveau, il faut pouvoir être constant dans la performance ! Si on veut être au niveau en Youth League, il faut l’être avant tout en championnat.