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Médias 01 janvier 2021, 16:00

Éric Besnard : "Mon premier match à Monaco, c’était avec Thierry Gilardi"

Éric Besnard : "Mon premier match à Monaco, c’était avec Thierry Gilardi"
Ils vous font vivre les matchs comme si vous y étiez, spécialement durant cette période compliquée. Pendant les fêtes de fin d’année, asmonaco.com vous propose une série d’entretiens avec les commentateurs, animateurs, consultants et femmes/hommes bord terrain, qui ont des souvenirs marquants avec les Rouge et Blanc. Aujourd’hui, rencontre avec Éric Besnard.

Tutulututututu!!!… Assurément, vous aurez reconnu cette petite musique, et celui qui la déclenche. Il est l’homme du Multiplex de Canal +. En tout cas, c’est comme tel que les gens « l’identifient », avoue-t-il lui-même. Fidèle à la chaîne cryptée, qu’il a rejoint en 1990, alors que Charles Biétry et Michel Denisot en étaient les patrons, il n’a jamais connu d’autre employeur depuis. Tour à tour homme de terrain, commentateur puis animateur, il a gravi les échelons au sein du services des sports de la première chaîne qui a osé miser sur la Ligue 1.

L’homme du Multiplex et du Late Football Club

Breton et Rennais d’origine, il porte le Stade Rennais dans son cœur, même s’il met évidemment son affect de côté lorsqu’il est à l’antenne. Lui, c’est Éric Besnard, aujourd’hui à la tête du Late Football Club, qui rebondit quotidiennement sur l’actualité du football pour la décrypter. Une émission pour laquelle il tente de poursuivre sa mission de journaliste comme il l’entend. Avec le désir d’informer. Partez donc à la découverte du binôme de Gauthier Kuntzmann, le roi du Multiplex.

Bonjour Éric. Tout d’abord, quel est votre premier souvenir au Stade Louis-II ?

Quand je suis arrivé chez Canal + en octobre 1990, j’étais homme de terrain à l’époque, et mon deuxième match était en Principauté. On était sur place avec Thierry Gilardi pour couvrir un Monaco – Paris Saint-Germain, je m’en souviens très bien. C’était sous l’ère Arsène Wenger et l’AS Monaco avait gagné 2-0 cette rencontre face au PSG de Safet Susic qui était encore là, si mes souvenirs sont bons. Il y avait vraiment deux grosses équipes, avec Susic et Vujovic côté parisien, et Rui Barros, Emmanuel Petit, Luc Sonor, Jean-Luc Ettori, Marcel Dib, Franck Sauzée et Gérald Passi notamment à Monaco. Ce match m’a marqué parce que je venais là avec des yeux d’enfant. Je débutais sur un Monaco-PSG, je n’étais jamais allé au Stade Louis-II, ni à Monaco. Et je vivais ça à côté de Thierry Gilardi, donc c’était incroyable.

Quelle est la particularité de ce stade, selon vous ?

Cela rejoint mon deuxième souvenir, qui est encore une fois un peu hors terrain, mais c’est amusant. Je me souviens qu’on faisait souvent Jour de Foot là-bas, et on commentait dans la tribune en face des vestiaires, évidemment. Je me perdais toujours dans les travées de Louis-II, pour rejoindre la zone d’interviews. C’est un truc terrible (rires). Je ne sais pas si je suis le seul mais c’était assez fou cette capacité à se perdre dans les entrailles de ce stade.

Pourquoi l’atmosphère y est si spéciale, comme beaucoup aiment à le rappeler ?

Je pense que beaucoup vous l’ont dit justement, mais j’aime ce petit écrin qu’est Monaco. J’aime tout ce qui entoure le match quand on descend à Monaco, parce que c’est différent d’ailleurs, c’est unique. Il y a toujours eu ce truc de voir une équipe chic, élégante, qui sait jouer au football, donc c’est la garantie de voir des beaux matchs. Il y a aussi le cadre forcément, le fait d’aller voir la mer, d’aller au soleil, c’est un tout. Il y a tout cela quand on vient à Monaco.

Une période vous revient-elle en tête en particulier ?

J’ai vécu d’un peu plus près l’épopée en 1996-1997, quand l’AS Monaco arrive en demi-finale de Coupe UEFA avec la génération de Thierry Henry, face à l’Inter Milan. C’est une aventure que j’ai commentée avec Claude Le Roy. Donc ça, ce sont de bons souvenirs évidemment.

Vous parliez de Thierry Gilardi précédemment. Comment se passait votre collaboration ?

Thierry c’était une voix, une musique, et c’est ce qu’on demande avant tout à un commentateur. Pour moi, c’est un poste où on vous demande de véhiculer de l’émotion, d’accompagner le spectateur, pas de nous donner une avalanche de statistiques qui polluent parfois le match. Et lui il savait transmettre de l’émotion, c’était un agitateur d’émotions. C’est peut-être l’un des meilleurs, même si c’est toujours difficile de classer les commentateurs, comme les joueurs d’ailleurs. Sa prestation faisait partie du plaisir du match quand on écoutait Thierry. J’ai eu une chance incroyable honnêtement. Quand je suis arrivé chez Canal +, cela ne faisait que six ans que la chaîne existait, mais encore une fois je suis arrivé avec des yeux d’enfants. En plus il n’y avait que Canal qui diffusait du football. Je me retrouvais du jour au lendemain aux côtés de gens tels que Thierry, Charles Biétry, Michel Denisot… c’était impressionnant !

https://www.youtube.com/watch?v=f3wSB9C4w7k&t=3898s

Parlez-nous de votre exercice favori, celui auquel on vous associe, le fameux Multiplex.

Je ne me rappelle même pas en quelle année j’ai commencé à le présenter, entre 2004 et 2006 certainement. La seule chose que je sais, c’est que j’ai justement succédé à Thierry Gilardi à la présentation. Et c’est marrant car effectivement quand les gens m’identifient à Canal, ils pensent directement au Multiplex, alors que ce n’était que deux ou trois fois dans l’année.

Ils pensent aussi à la petite musique forcément…

C’est tout à fait vrai. D’ailleurs cette musique que notre réalisateur, Jérôme Revon, était allé chercher, en fouinant un peu partout. Il avait trouvé ça sur internet, et au début on se disait qu’elle était beaucoup trop déjantée. Et il se trouve qu’elle est totalement identifiée à un Multiplex aujourd’hui, car je ne parle pas du Multifoot de Canal. Il n’y aucune autre musique qui est identifiée à un tel format, quel qu’il soit.

Comment gère-t-on un tel évènement où ça part dans tous les sens, avec des buts de tous les côtés ?

C’est très compliqué, car on génère avant tout beaucoup de frustration chez le téléspectateur, qui, quoi qu’on fasse, va trouver que l’on passe trop vite sur le match de son équipe. Ça entraîne donc de la frustration le Multiplex, mais aussi beaucoup d’émotion, car quand vous entendez la petite musique, vous ne savez jamais de quel côté ça vient, si cela concerne votre équipe ou non. Dans cette situation, le tout pour un présentateur, c’est de ne rien rater. Alors forcément on ne va pas voir tous les buts en direct, et il faut parfois délaisser un match ou le score est de 3-0, pour suivre une rencontre où il y a du suspense, de l’enjeu, de l’incertitude. Ensuite, il y a aussi le fait de suivre quels sont les changements au niveau du classement, en fonction des résultats qui évoluent. Toujours en essayant de transmettre de l’émotion, car pour moi le football c’est avant tout ça. D’ailleurs on le voit aujourd’hui, la perte des spectateurs dans les stades, c’est terrible. Le football a changé et il nous manque cette émotion.

Avez-vous quelques souvenirs de Multiplex en particulier ?

Moi qui suis Rennais d’origine, je pense instinctivement à 2007. J’attendais mon club en Ligue des Champions depuis toujours, et cette année-là, le Stade Rennais est à dix secondes de ce rêve. L’équipe mène 1-0 sur le terrain de Lille, je suis comme un fou évidemment en plateau, et là Nicolas Fauvergue vient égaliser pour le LOSC dans le temps additionnel, et c’est Toulouse qui va en tour préliminaire de la C1. Je suis complètement effondré à ce moment-là, même si j’essaye de me contenir à l’antenne. Mais je me rappelle que je me suis allongé sur le plateau, avant de me ressaisir après.

Je parlais du regard d’enfant tout à l’heure, et évidemment on le garde lorsqu’on est journaliste. Le tout c’est d’avoir une certaine honnêteté à l’antenne. Mais en dehors de ça, on reste un peu supporter. Et je crois d’ailleurs que c’est ce Multiplex où il y a 43 ou 44 buts marqués, autrement un but toutes les deux minutes dans la soirée. C’est comme si on avait eu un match avec 44 buts, ça sonnait dans tous les sens. On parlait des difficultés de présenter un Multifoot, eh bien quand vous avez 44 buts, il faut savoir faire le bon choix lorsque vous avez trois buts à la fois. Et encore une fois, aller sur le terrain où il y a le plus de suspense et une vraie incidence au classement.

Il manquait juste le public pour pousser Rennes en Ligue des Champions cette saison…

J’étais un peu déçu, forcément. On en revient toujours à l’émotion, parce que c’est ça le football. Une Ligue des Champions sans spectateurs, alors que tout Rennes attendait ça, et qu’il y a maintenant une ambiance extraordinaire désormais au Roazhon Park, ce qui n’a pas toujours été le cas, car avant les gens allaient au stade comme ils allaient au cinéma. C’est vraiment dommage de ne pas avoir eu cette chance-là.

Revenons-en à votre métier. Aujourd’hui vous animez une émission de qualité, le Late Football Club. Que pouvez-vous nous dire sur ce format ?

Globalement je trouve que le journalisme s’est éloigné de sa mission première qui est de relater les faits, d’informer les gens. On est un peu trop souvent dans la foire d’empoigne dans certaines émissions, où l’on est là juste pour mettre en porte-à-faux son interlocuteur et faire naître la polémique, s’opposer, faire le show. Au Late en tout cas, nous essayons modestement de donner les clés pour comprendre. Il y a parfois des consultants qui sont moins stars que d’autres, mais qui sont extrêmement pertinents.

Quand on a la chance d’avoir sur un plateau des Bruno Irles ou des Christophe Lollichon, je trouve qu’il ne faut pas avoir la prétention de connaître tout sur le football en tant que journaliste. Le journalisme devient un peu trop un journalisme d’opinion, et ça, ça m’agace un peu, car nous sommes 67 millions à avoir des opinions. En revanche, on s’éloigne de plus en plus de la zone de connaissance. Quand je m’assois autour de la table du Late Football Club, je viens pour apprendre des choses et essayer de poser les bonnes questions.

Vous ne rentrez pas dans le jeu de la surenchère…

Je crois qu’il ne faut pas se laisser déborder non plus par les réseaux sociaux qui ne sont que débordements, polémiques, des lieux à érupter. Moi quand je regarde la télévision, j’essaye d’apprendre. On ne veut pas faire le buzz autour de ce qui n’est parfois qu’une rumeur. Et d’ailleurs on s’aperçoit, en parlant autour de nous avec des joueurs, des entraîneurs, que le milieu du foot nous regarde beaucoup. Et ça nous fait extrêmement plaisir.