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Carnet 12 juin 2023, 10:25

Victor Ikpeba : "Je suis certain qu'on battra mon record un jour"

Victor Ikpeba : "Je suis certain qu'on battra mon record un jour"
A l'occasion de son 50e anniversaire, retour sur l'interview réalisée avec l'ancien attaquant nigérian, auteur de 76 buts avec l'AS Monaco entre 1993 et 1999, et encore meilleur buteur du Club à ce jour dans les compétitions continentales.

Il n’était pas grand par la taille (1,74 m), mais il est devenu par ses performances, l’un des plus grands attaquants de l’histoire de l’AS Monaco ! Recruté en 1993 par Arsène Wenger, qui croit beaucoup en lui, Victor Ikpeba va imiter ce que George Weah a fait avant lui : être une référence à son poste. Celui qui deviendra champion de France en 1997 avec Jean Tigana, saison où il est sacré meilleur joueur africain de l’année, est d’ailleurs encore aujourd’hui le meilleur buteur du Club dans les compétitions européennes (14 réalisations). En ce jour où il fête son 50e anniversaire, retour sur cette riche interview qu’il nous avait accordée en 2021.

Bonjour Victor. Avant de commencer cette interview, comment allez-vous et que faites-vous désormais ?

Je vis aujourd’hui à Lagos, la capitale du Nigéria. Je suis actuellement consultant pour la chaîne de télévision SuperSport, l’équivalent de Canal+ ou Sky en Europe, où j’interviens depuis plusieurs années maintenant. C’est le plus gros média ici en Afrique. Je fais également partie du comité technique de la fédération nigériane de football, où je m’occupe du développement du football depuis 11 ans.

Avec le recul, que représente l’AS Monaco pour vous ?

Mon histoire avec l’AS Monaco est très riche. C’est l’endroit qui m’a permis d’évoluer au plus haut niveau du football en Europe, de jouer en Ligue 1. C’était un honneur pour moi qui venait de Belgique. Cette décision a changé ma vie. Ce n’était pas facile, j’ai dû travailler dur et j’ai forcément eu des hauts et des bas au début. Mais j’ai eu un réel plaisir à jouer ici, où j’ai été élu joueur africain de l’année en 1997, gagné le championnat de France la même année et où je suis devenu champion olympique avec le Nigéria (en 1996, ndlr).

En six ans, j’ai donc accompli beaucoup de choses avec ce club, avec lequel j’ai également disputé trois demi-finales européennes dont deux en Ligue des Champions. Nous avions une équipe formidable, c’était très spécial pour moi. Et les gens se souviennent de moi pour mon passage à l’AS Monaco. Donc je suis vraiment reconnaissant envers le Club, de m’avoir donné l’opportunité de jouer à un tel niveau, sous les ordres d’Arsène Wenger notamment. J’ai laissé de très bons amis aussi quand je suis parti, donc ce n’était pas facile. Mais avec du recul, Monaco représente beaucoup pour moi.

Je veux remercier Arsène d’avoir cru en mes qualités au point de me faire venir à Monaco. Il a décelé que j’avais le potentiel pour jouer dans ce grand club, et pour ça, je lui serai éternellement reconnaissant. (...) Il croyait beaucoup en le football africain et il a contribué à développer beaucoup de jeunes joueurs au plus haut niveau, alors qu’ils n’étaient que des enfants au départ.
Victor IkpebaMeilleur buteur européen de l'AS Monaco

Justement vous avez été recruté par Arsène Wenger en 1993. Quelle était votre relation avec lui et qu’a-t-il changé dans votre carrière ?

Je pense que c’est vraiment important d’avoir un manager qui croit en vous. J’étais dans un club très modeste en Belgique, le RFC Liège. Donc je veux remercier Arsène d’avoir cru en mes qualités au point de me faire venir à Monaco. Il a décelé que j’avais le potentiel pour jouer dans ce grand club, et pour ça, je lui serai éternellement reconnaissant. Je l’ai recroisé en 2008 lorsque la France a disputé un match amical contre le Nigéria à Lyon. J’ai parlé avec lui et je lui ai dit que j’étais admiratif de tout ce qu’il a fait ensuite avec Arsenal. Et je l’ai également remercié pour ce qu’il a fait pour un bon nombre de joueurs africains. Il croyait beaucoup en le football africain et il a contribué à développer beaucoup de jeunes joueurs au plus haut niveau, alors qu’ils n’étaient que des enfants au départ.

D’ailleurs vous avez été le successeur de l’un d’entre eux, George Weah. Est-ce une fierté d’être devenu l’un des meilleurs joueurs de votre continent ?

Oui je suis très fier de ça, et surtout redevable vis-à-vis de l’AS Monaco d’avoir atteint ce statut. D’autant que j’ai eu la chance d’évoluer aux côtés de grands talents tels qu’Ali Benarbia, Enzo Scifo, Thierry Henry, David Trezeguet, Emmanuel Petit, Lilian Thuram… la liste est tellement longue (sourire) ! Donc je suis très fier d’avoir fait partie de cette génération, et de la génération des joueurs africains qui ont réussi en France, comme George Weah, Abedi Pelé. C’était très spécial pour moi.

Klinsmann, Anderson, Djorkaeff, Henry, Trezeguet… comment avez-vous fait pour vous faire une place dans ces équipes ?

J’ai dû me battre pour ça (rires) ! C’est une blague, mais honnêtement c’était difficile, il a fallu avoir du caractère et surtout que je crois en moi. J’ai eu des moments difficiles, mais ils n’ont jamais entamé ma volonté et j’ai toujours saisi les opportunités qui se présentaient à moi. Six ans à Monaco, je peux vous dire que ce n’est pas simple quand vous vous battez avec les meilleurs joueurs à leur poste. Mais c’est comme ça que ça se passait à l’époque. Effectivement il y avait des joueurs exceptionnels à mon poste comme Jürgen Klinsmann, Amara Simba, Youri Djorkaeff, Sonny Anderson et donc Thierry Henry qui sortait du centre de formation. La concurrence était rude, et je pense que ça m’a poussé à devenir meilleur et à atteindre de grands objectifs.

Quand je suis arrivé j’étais très jeune, et comme je venais de Belgique, j’étais très proche d’Enzo Scifo. Il a été comme un grand frère pour moi. J’étais également ami avec Ali Benarbia, avec qui je m’entendais très bien, et avec notre gardien, Fabien Barthez, avec qui j’allais souvent au restaurant. J’étais vraiment proche d’eux, et quand nous passions des moments ensemble, nous étions comme une famille.
Victor IkpebaMeilleur buteur européen de l'AS Monaco

Quel est celui avec lequel vous avez pris le plus de plaisir ?

Honnêtement j’ai aimé évoluer aux côtés de tous ces grands joueurs. Même si Ali Benarbia était vraiment quelqu’un de très créatif avec Enzo Scifo. Ils avaient quelque chose en plus. Jürgen Klinsmann était lui un vrai gentleman, qui était d’un grand soutien et qui parlait beaucoup avec moi. J’avais de l’admiration pour lui et j’ai beaucoup appris de lui. Même quand vous étiez dans une mauvaise passe, il était là pour vous remettre d’aplomb. Mentalement et même physiquement, j’ai beaucoup appris aux côtés de tels joueurs. Ce n’est jamais simple de réussir ici à Monaco, c’est un endroit très spécial.

Et quels étaient ceux dont vous étiez le plus proche ?

Vous n’êtes pas toujours nécessairement amis avec vos coéquipiers. Mais quand je suis arrivé j’étais très jeune, et comme je venais de Belgique, j’étais très proche d’Enzo Scifo. Il a été comme un grand frère pour moi. J’étais également ami avec Ali Benarbia, avec qui je m’entendais très bien, et avec notre gardien, Fabien Barthez, avec qui j’allais souvent au restaurant. J’étais vraiment proche d’eux, et quand nous passions des moments ensemble, nous étions comme une famille. C’est ça aussi qui m’a marqué lors de mon passage à Monaco, cette proximité dans la relation, cette ambiance familiale.

En tant que manager, vous avez également connu Jean Tigana, qui vous a fait passer dans une dimension supérieure. Comment était-il avec vous ?

Je pense que Jean Tigana connaissait mon potentiel, mais qu’il souhaitait que je sois plus constant dans mes performances. Il était un jeune manager et certainement qu’Arsène Wenger avait plus d’expérience au niveau tactique. Mais il est arrivé avec l’idée de mettre de l’esprit de compétition dans le groupe. Au début je n’ai pas beaucoup joué, mais au retour des Jeux Olympiques, qui ont été un grand accélérateur dans ma carrière, mon statut a changé. Il m’a donné davantage d’opportunités de me montrer.

Je lui ai montré qu’il pouvait compter sur moi, sans même parler de mon talent ou des mes qualités. Parfois vous avez besoin de vous battre pour prouver que vous méritez votre chance. En tout cas, j’ai eu le plaisir de le croiser il y a deux ans à Lagos, et on a beaucoup parlé. Nous avons gardé beaucoup de respect l’un envers l’autre, même après mon départ de Monaco. Je crois qu’il a vraiment réussi à repousser mes limites et à tirer le meilleur de moi-même. Et c’est d’ailleurs quand il était sur le banc que j’ai accompli le plus de choses.

Avec le recul, quel est le meilleur moment de vos six années passées à Monaco ?

Les saisons 1996-1997 et 1997-1998 ont été exceptionnelles pour moi. J’étais dans la forme de ma vie je pense. Pour marquer 40 buts en deux ans à l’époque, il fallait avoir un sacré niveau. En 1993-1994 j’ai aussi marqué mon premier but en Ligue des Champions, donc c’était spécial, même si j’étais encore en apprentissage du haut niveau. Donc je pense vraiment qu’entre 1996 et 1998, j’ai vécu mes plus belles années.

Ce soir, l’AS Monaco va jouer le 200e match européen de son histoire. Vous êtes encore à ce jour le meilleur buteur du Club sur le Vieux Continent. Qu’est ce que cela vous évoque ?

Je peux vous dire que je suis très surpris d’être encore le meilleur buteur européen de l’AS Monaco, 23 ans après (sourire). Mais je suis certain qu’un jour quelqu’un battra ce record. Je sais que depuis nous n’avons pas toujours été qualifiés pour la coupe d’Europe, il y a eu aussi une relégation, donc certaines périodes n’ont pas été simples. Mais pour revenir à votre question, c’est un très grand honneur d’avoir ce statut. Je ne m’arrête pas à cela, puisque je sais que j’ai atteint ce chiffre grâce à mes coéquipiers qui me mettaient toujours dans de bonnes conditions pour marquer.

Instinctivement, je pense à celui que j’ai inscrit à San Siro contre l’Inter Milan en demi-finale de Coupe UEFA. J’en ai marqué d’autres qui m’ont beaucoup plu, mais celui-là on en parle encore aujourd’hui. Un autre ? J’ai marqué un paquet de buts incroyables (rires) !
Victor IkpebaA propos de son but préféré en coupe d'Europe

Justement, quel est celui qui vous a le plus marqué ?

Instinctivement, je pense à celui que j’ai inscrit à San Siro contre l’Inter Milan en demi-finale de Coupe UEFA. J’en ai marqué d’autres qui m’ont beaucoup plu, mais celui-là on en parle encore aujourd’hui. Un autre ? J’ai marqué un paquet de buts incroyables (rires) ! Je me rappelle notamment d’un contre le club belge de Lierse en Ligue des Champions. C’était sur corner. Mais c’est toujours difficile d’en ressortir un plutôt qu’un autre.

Quel match européen vous revient-il en mémoire ?

Je pense que c’est vraiment ce match contre l’Inter Milan. D’autant plus que je n’avais pas débuté le match, donc je n’étais pas content (sourire). Je suis rentré et j’ai marqué. Il y a aussi la rencontre contre le Spartak Moscou en 1993 où je rentre et j’inscris un but sous les yeux du Prince Rainier-III. C’était vraiment un moment spécial pour moi, car c’était mon premier but en phase de groupes de Ligue des Champions. J’avais seulement 20 ans.

Est-ce qu’une anecdote de vestiaire vous revient en tête ?

On a dû se battre parfois à La Turbie avec des coéquipiers (rires) ! Plus sérieusement, j’avais une très grosse personnalité et quand vous évoluez avec des joueurs qui ont cette rage de vaincre, même pour un simple jeu à l’entraînement, vous êtes obligés d’avoir du caractère. Je suis anglophone, et je pense que cela vient de là, de mon pays le Nigéria. Mais comme je le dis, quand vous arrivez à un certain niveau, vous êtes dans l’obligation d’avoir de la personnalité.

Pour terminer, racontez-nous l’histoire de votre surnom, « Prince of Monaco »…

C’est une longue histoire (sourire). Quand j’étais à Monaco, j’étais proche du Prince Albert II. Ce surnom m’est venu d’un journaliste nigérian qui était venu pour m’interviewer en Principauté après mon titre de joueur africain de l’année en 1997. En lui montrant la ville et le style de vie, je lui ai dit que vivais comme un Prince ici. Et c’est là où il a décidé de titrer son reportage dans le magazine : « Victor Ikpeba, le Prince de Monaco ». La légende est partie de là.

(Avant de raccrocher, il souhaite laisser personnellement un message aux supporters du Club)

Je voudrais avoir une pensée et un message particulier pour les fans de l’AS Monaco qui m’ont témoigné beaucoup d’amour. Je veux leur dire qu’ils doivent continuer à avoir cette passion et à supporter le Club, et à croire en sa destinée ! Ce club a fourni quelques-uns des meilleurs joueurs de la planète. Donc je suis d’autant plus fier de faire partie de l’histoire de cette institution.

Rise. Risk. Repeat.